Épisodes

  • Comment le Cesti forme à Dakar les journalistes professionnels de demain
    Dec 13 2025

    L’atelier des médias diffuse des reportages produits par des étudiants du Centre d'études des sciences et techniques de l'information (Cesti), à Dakar. Dans cette émission, la cheffe du département radio du Cesti, Yacine Diagne, présente aussi les défis actuels de la formation des journalistes professionnels.

    L'atelier des médias s'ouvre cette semaine sur les chiffres alarmants publiés mardi 9 décembre par l'ONG Reporters sans frontières. Le bilan annuel 2025 de RSF révèle que 67 journalistes ont été tués dans le monde en un an, dont 29 à Gaza. Par ailleurs, 503 journalistes sont injustement détenus (121 en Chine, 48 en Russie) et 135 sont portés disparus.

    Malgré ce contexte sombre, des jeunes aspirent encore à devenir journalistes. Aussi, cette émission met à l'honneur le Cesti, centre de formation aux métiers du journalisme rattaché à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

    Quatre étudiants ayant choisi la spécialisation radio ont été invités à soumettre chacun un reportage d'une durée de 2 minutes 30 secondes pour L'atelier des médias. Les production de trois d'entre eux sont ici diffusées : Babacar Diouf aborde la légitimité des « influenceurs » et le risque qu'ils deviennent des « éléments amplificateurs de la désinformation » en recherchant l'audience ; Ousmane Thiaty explore le succès de TikTok au Sénégal ; Habib Diao a choisi de parler du body shaming, l'humiliation liée au physique qui fragilise l'estime de soi des jeunes. Pour ce reportage, Habib Diao s'est vu proposer un stage de six semaines au service Afrique de RFI à Paris, début 2026, grâce au soutien de l'ambassade de France au Sénégal. Un autre étudiant méritant du Cesti, d'une promotion antérieure, bénéficiera de la même opportunité.

    La deuxième partie de l'émission fait entendre Yacine Diagne, docteure en sciences politiques, journaliste, et cheffe du département radio du Cesti, une école panafricaine qui accueille des étudiants de tous horizons et met l'accent sur la pratique pour que les diplômés soient « opérationnels à partir de la fin de la première année ». Elle explique que le Cesti est « ouvert pour la formation et pour la professionnalisation du journalisme au Sénégal » et rappelle l'importance capitale de la formation face aux dérives médiatiques : « Il faut absolument miser sur la formation si on veut lutter contre le désordre informationnel qui est en train de polluer l'espace public et l'espace politique aujourd'hui. »

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    28 min
  • Patrick Chauvel, rapporteur de guerre : le choix de l'image et de la transmission
    Dec 6 2025
    Le journaliste français Patrick Chauvel est dans L'atelier des médias pour un grand entretien. De la guerre du Vietnam à celle menée actuellement par la Russie en Ukraine, il a couvert des dizaines de conflits. Avec Steven Jambot, il revient sur son parcours, l'évolution du métier de reporter de guerre, l'archivage de ses photos au Mémorial de Caen et sa démarche auprès de tous les publics pour raconter la guerre et ses effets. Patrick Chauvel, 76 ans, aime rappeler qu'il est issu d'une famille de « conteurs ». Il a très tôt choisi la voie du reportage, pour vivre les récits qui avaient bercé son enfance. Après un passage formateur à France-Soir, où il a notamment travaillé pour la rubrique Les potins de la commère, une altercation avec Roman Polanski lui a valu d'être renvoyé. Le patron du quotidien, Pierre Lazareff, lui offrit cependant l'argent nécessaire pour s'envoler vers le Vietnam où il arrive juste avant l’offensive du Têt, en 1968. Face au scepticisme de son père qui lui prédisait des difficultés financières et lui rappelait que « la reconnaissance c'est pour les photographes morts », Patrick Chauvel était arrivé à Saïgon muni d'un aller simple. L’évolution du métier et la peur de rater l'histoire Travaillant en argentique avec peu de pellicules, Chauvel a développé une précision extrême, loin de la « gâchette facile » du numérique actuel. L'envoi des films vers Paris était une épreuve logistique, nécessitant parfois de confier les précieux paquets à des passagers d'avion ou même d'utiliser un cheval pour atteindre un point de rapatriement (comme il l'a fait au Salvador). Ce reporter tout terrain a été blessé à de multiples reprises, des cicatrices pour autant d'« incidents de parcours ». Il cite d'ailleurs une phrase de Napoléon : « Se faire blesser ne prouve qu'une chose, c'est qu'on est maladroit ». Son angoisse principale n'est pas la blessure physique, mais de rater l'histoire en étant immobilisé, car « ​​​l'histoire qui est importante continue ». Au Vietnam, sa naïveté sur la guerre et ses enjeux s'est brisée lors d'une discussion avec un prisonnier nord-vietnamien francophone, qui lui a exposé l'idéologie de « l'ennemi ». Le rôle de « sentinelle » face au déni Pour Patrick Chauvel, son métier a une dimension essentielle de transmission, car il travaille pour la « mémoire collective » et les livres d'histoire. Son cheval de bataille est de forcer le public à savoir, d'où son titre de « rapporteur de guerre », qu'il a donné à un de ses livres et un documentaire. Concernant les œillères du grand public, il est catégorique : « On ne savait pas, c'est pas recevable du tout. Si vous voulez pas savoir, c'est que vous n'avez pas envie de savoir ». Il considère que les journalistes agissent comme des sentinelles, alertant sur les dangers environnants. Les conflits récents, notamment la guerre menée en Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine, ont bouleversé l'approche des terrains où il a tant travaillé. En Ukraine se mélangent les combats de tranchées – rappelant la Première Guerre mondiale – et la « guerre des étoiles » menée par les drones. Ces derniers sont désormais responsables de 80 % des pertes sur le front, rappelle Patrick Chauvel, rendant l'accès aux premières lignes extrêmement difficile et dangereux, notamment pour les médias et leurs fixeurs. La transmission aux nouvelles générations Patrick Chauvel a fait don de son fonds gigantesque (480 000 photos, 1 000 heures de films) au Mémorial de Caen pour assurer la pérennité de son œuvre. Il voit dans cette transmission un rôle essentiel auprès des jeunes, notamment à travers des conférences dans les écoles, collèges et prisons. Le journaliste, décoré de la Légion d’honneur en 2025, appelle la jeune génération à ne pas tenir la paix pour acquise. « L'élément naturel de l'homme, c'est la guerre, c'est pas la paix. La paix, c'est un travail, c'est une éducation ». À ce titre, Patrick Chauvel a été sollicité par la Ligue de l'enseignement pour un projet itinérant intitulé « Décrypter la guerre, penser la paix », qui cherche encore des partenaires. Il résume ainsi son rôle et celui de ses confrères : « Les photos qui vont être dans les livres d'histoire sont les nôtres. Nos récits sont dans les livres d'histoire. Et donc il faut absolument qu'on transmette ça. On peut pas garder ça pour nous. » Son message aux aspirants reporters est de ne pas attendre d'être financés, mais d'aller sur le terrain et de s'y installer en optant pour un pseudonyme afin d'être moins exposés.
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  • Pourquoi l'OSINT est l'affaire de tout le monde : entretien avec Allan Deneuville
    Nov 29 2025
    Allan Deneuville, maître de conférence à l'université Bordeaux-Montaigne et chercheur au centre GEODE (Géopolitique de la datasphère), vient de publier OSINT : enquêtes et démocratie (INA éditions). Dans ce livre, il explore cette méthodologie d'investigation qui a explosé depuis une quinzaine d'années dans l'écosystème informationnel mais qui a aussi un côté sombre, la dark OSINT. L'acronyme OSINT, pour Open Source Intelligence (ROSO pour Renseignement d’origine sources ouvertes, en français), désigne la collecte et l'analyse d'informations accessibles à tous. C'est l'art de collecter et analyser des infos que tout le monde peut, en théorie, consulter. L'exemple des « Strava Leaks », en 2018, a montré la puissance du phénomène : en faisant leur footing, des soldats américains déployés en Afghanistan avaient sans le savoir cartographié méticuleusement des installations ultra sensibles. La pratique de l'OSINT n'est donc « pas qu'un truc de journaliste ni d'espion, c'est un peu l'affaire de tout le monde », résume Steven Jambot. Le poison et le remède : la double nature de l'OSINT L'OSINT est devenue un enjeu démocratique majeur, une méthodologie protéiforme, à la fois salutaire et dangereuse. Pour en décrire la nature ambivalente, Allan Deneuville utilise la notion philosophique de pharmakon, un terme grec qui signifie qu’une substance est à la fois « remède et poison ». S'il est utilisé à une certaine dose, l'OSINT peut être bénéfique, mais si elle est utilisée « avec une mauvaise dose, elle peut être un poison ». Ce phénomène prend une ampleur inédite en raison de l'omniprésence des données dans notre environnement, un contexte marqué par la « documentalité » et l’« hyperdocumentation », qu'explique Allan Deneuville. En effet, grâce à la numérisation du monde et à l'hyperlien, « tout document, grâce à l'hyperdocumentation, est apporté de main ». Cette hyperaccessibilité a rendu l'OSINT incontournable. Elle repose sur le « bricolage » numérique, l'art de détourner, bricoler numériquement pour avoir accès à des informations en les croisant avec d'autres informations, en utilisant des données disponibles publiquement comme Flight Radar 24 ou MarineTraffic. Allan Deneuville propose une définition large pour englober ses multiples usages : « L’OSINT est une méthode potentiellement itérative et collaborative qui consiste en la collecte, l’analyse et l’exploitation systématique de documents et de données provenant de sources accessibles au public légalement, gratuitement ou non, dans le but de répondre à un besoin d’information. » La face sombre : Dark OSINT et fragilité démocratique Malgré son rôle crucial dans la lutte contre la désinformation (fact-checking) et pour l'émancipation citoyenne, l'OSINT possède une part sombre, désignée par l'auteur comme la « dark OSINT ». Celle-ci recouvre les usages antidémocratiques qui se manifestent, à l'échelle individuelle, par le stalking et le doxxing. Le doxxing, qui consiste à collecter et diffuser des informations privées dans le but de nuire, de harceler ou de menacer, ainsi que le « vigilantisme numérique », menacent l'État de droit. À l'échelle étatique et géopolitique, l'OSINT révèle l'« asymétrie structurelle fondamentale » entre les démocraties et les régimes autoritaires. Les sociétés ouvertes sont paradoxalement plus vulnérables, car, comme le rappelle Deneuville : « Un des risques, c'est le fait que nos ennemis géopolitiques ont accès à nos informations et puisse s'en servir contre nous. » Les régimes autoritaires exploitent cette transparence pour mener des opérations d'influence et de surveillance de masse. De plus, l'OSINT est confrontée au risque d'instrumentalisation de ses propres codes visuels. Les enquêtes vidéo utilisent une « grammaire visuelle de la véridiction », qui peut être imitée par la propagande pour diffuser des contre-récits, notamment lors du massacre de Boutcha (Ukraine) ou de l'explosion de l'hôpital Al-Ahli (Gaza). Face à des vérités divergentes, la méthodologie doit s'accompagner d'un « regard réflexif ». L'OSINT : une compétence de base pour la résilience Pour Allan Deneuville, il est essentiel que l'OSINT soit couplée à l'enquête de terrain et à l'expertise. L'OSINT « ne se suffit pas en tant que telle ». La collaboration est nécessaire, il faut « travailler avec le terrain, [...] avoir accès à des spécialistes », pour mieux comprendre et analyser les données. En conclusion, l'apprentissage de l'OSINT devient un enjeu de citoyenneté et d'éducation. « Pour moi, il faut vraiment penser l'OSINT aujourd'hui comme une compétence numérique de base à enseigner au plus grand nombre », explique Allan Deneuville. Cet apprentissage est la clé de la « résilience de nos sociétés face à la désinformation et face aux manœuvres et aux ingérences...
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    44 min
  • Contre la désinformation, comment mieux diffuser le fact-checking ?
    Nov 22 2025

    CFI, l'agence française de développement média, organisait à Paris début octobre la 2e édition des Rendez-vous de l'expertise MédiaDev, qui portait sur la lutte contre la désinformation. À cette occasion, Steven Jambot a animé une table ronde avec Ange Kasongo, fondatrice de Balobaki Check (RDC), Julien Pain, présentateur de l'émission Vrai ou faux sur France info, et Noël Kokou Tadegnon, cofondateur de Togo Check. En voici quelques extraits choisis.

    Face à la viralité de la désinformation, les stratégies traditionnelles de diffusion montrent leurs limites. C'est l'un des constats que les participants avaient en tête lors des Rendez-vous de l'expertise MédiaDev organisés le 9 octobre 2025 à Paris par CFI, l'agence française de développement média, filiale du groupe France Médias Monde, maison-mère de RFI.

    Trois journalistes fact-checkeurs avaient été réunis pour une table ronde animée par Steven Jambot : Julien Pain, rédacteur en chef à France info et présentateur de l'émission Vrai ou faux, Ange Kasongo, fondatrice de Balobaki Check en République démocratique du Congo (RDC), et Noël Kokou Tadegnon, cofondateur de Togo Check.

    Cet épisode de L'atelier des médias a été conçu à partir d'extraits des échanges qui se sont tenus ce jour-là.

    Les trois intervenants rappellent les défis posés par la vitesse de circulation de la désinformation et le choix des plateformes. Une partie significative de la discussion porte sur l'utilisation de WhatsApp pour toucher des communautés spécifiques. Noël Tadegnon explique le travail de Togo Check avec les radios communautaires, notamment avec des humoristes qui s'emparent de sujets fact-checkés.

    Les panélistes rappellent la nécessité d'expliquer et de sensibiliser plutôt que de simplement décréter le vrai ou le faux. Julien Pain parle de son expérimentation de Twitch, il aborde également l'inquiétude grandissante face à l'intelligence artificielle générative qui pourrait rendre la distinction entre le vrai et le faux presque impossible, menant à une possible indifférence informationnelle. Enfin, Ange Kasongo mentionne l'importance de la collaboration entre fact-checkers (la Paff) et du nécessaire plaidoyer auprès des autorités pour améliorer l'accès à l'information.

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    28 min
  • «L'envers de la tech»: Mathilde Saliou observe «ce que le numérique fait au monde»
    Nov 15 2025

    Alors que la COP30 se déroule à Belém, au Brésil, la journaliste Mathilde Saliou, auteure de L'envers de la tech, expose le coût réel de l'industrie numérique. Le secteur épuise nos ressources et pollue l'écosystème informationnel.

    L'industrie technologique a réussi à faire accepter, dans l'esprit commun, l'idée que ses services sont dématérialisés, explique la journaliste Mathilde Saliou qui déconstruit ce « mythe complet » dans son livre L'envers de la tech – ce que le numérique fait au monde (éditions Les Pérégrines, octobre 2025). « En fait, l'endroit où l'on envoie nos données, c'est un agrégat de choses très concrètes », rappelle-t-elle en citant data centers, câbles et autres équipements.

    L'extraction des métaux nécessaires à ces équipements engendre des drames humains. En République démocratique du Congo (RDC) par exemple, la quête du coltan participe à une économie militarisée. La journaliste alerte : « Miner, c'est à la fois, déjà, obliger des populations à travailler dans des conditions déplorables – quelquefois proche de l'esclavage – mais c'est aussi, dans le cas spécifique de la République démocratique du Congo, alimenter les conflits sur place. » Au-delà des mines, les infrastructures comme les centres de données participent à l'artificialisation des sols et aux conflits d'usage pour l'accès à l'eau et à l'énergie.

    Course à l'IA et pollution de l'information

    La frénésie pour l'intelligence articielle (IA) générative accélère cette consommation. Mathilde Saliou rappelle qu'une requête à un robot conversationnel « consommerait jusqu'à 10 fois plus d'électricité qu'une recherche par un moteur de recherche classique ». Cette course a rendu caduques les promesses de neutralité carbone des géants du numérique.

    Sur le plan de l'information, l'IA a donné naissance au phénomène de « boue d'IA » (AI slop), car « c'est aussi un outil qui permet de fabriquer énormément de contenus de faible valeur voir très médiocre, sans intérêt », rendant la recherche en ligne d'information de qualité plus difficile. De plus, Mathilde Saliou estime que le journalisme spécialisé dans ce secteur « manque d'esprit critique », masquant souvent les impacts au profit d'une lecture purement économique du progrès.

    Face aux velléités des dirigeants de la Silicon Valley, qui adoptent des logiques impériales et autoritaires, la régulation est essentielle, estime la journaliste. Pour elle, l'Europe ne doit pas plier aux pressions venues des États-Unis.

    L'espoir dans le care

    Pour reprendre la main face à cette situation, Mathilde Saliou invite à pratiquer une « éthique du soin », préférant la robustesse et la souplesse à la performance. Cela passe par le soin des outils existants (garder plus longtemps son smartphone, réparer son ordinateur au lieu de le remplacer) et le soin des liens sociaux dans le monde réel.

    Elle conclut en insistant sur la possibilité de débattre et de remettre en question les mythes de l'industrie : « On a vraiment le droit de questionner tous les discours liés à ces notions de progrès ». En construisant des « petites poches de numérique plus égalitaires », chacun peut contribuer à remettre la technologie à sa place d’outil et à œuvrer pour des sociétés plus démocratiques.

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    42 min
  • Mortaza Behboudi: «Les fixeurs sont un pont entre la presse étrangère et les populations locales»
    Nov 8 2025

    L'atelier des médias reçoit le journaliste et documentariste franco-afghan Mortaza Behboudi, qui vient de publier Fixers: Reporters without Bylines, un livre qui raconte son quotidien de fixeur, ces locaux qui accompagnent les journalistes internationaux, parfois dans des pays en guerre.

    Dans cette conversation de plus de trente minutes, Mortaza Behboudi aborde le rôle méconnu et périlleux des fixeurs. Il publie Fixers: Reporters without Bylines (PICT Books), un livre cosigné avec l'Ukrainienne Oksana Leuta qui expose cette réalité.

    Un fixeur est celui qui accompagne les journalistes étrangers sur des terrains complexes, servant de pont entre la population locale et la presse étrangère. Ils facilitent le travail (traduction, logistique, contacts) de reportage. Mortaza Behboudi résume avec ironie : « J'ai l'impression faire du babysitting des journalistes étrangers en Afghanistan. » Beaucoup de fixeurs afghans sont des journalistes locaux ayant perdu leur emploi, notamment depuis la chute de Kaboul, rappelle-t-il.

    Le livre, écrit en anglais, met en lumière le manque crucial de reconnaissance et de protection des fixeurs. Ce métier « hyper dangereux et essentiel » est trop souvent exercé sans contrat ni assurance et payé « au black », explique Mortaza Behboudi, qui dénonce la minimalisation du rôle des fixeurs, souvent réduit à celui de simple traducteur une fois la mission terminée.

    Le risque sécuritaire est omniprésent : les fixeurs sont souvent accusés d’espionnage, comme ce fut le cas de Mortaza en 2023, lorsqu'il a été arrêté par les talibans puis a passé 9 mois en prison. Aussi, Mortaza préfère parfois « réécrire les questions, adoucir les questions » des journalistes occidentaux afin de ne pas se mettre en danger.

    Mortaza Behboudi appelle les médias à la sensibilisation. Il insiste pour que les fixeurs obtiennent des contrats et soient cités, car « sans les fixeurs, il y aura aucun reportage »

    Mortaza Behboudi interviendra le samedi 15 novembre à l'événement Informer le monde de demain organisé pour les 40 ans de Reporters sans frontières (RSF), à la Gaîté lyrique.

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    35 min
  • Comment informer sur la guerre civile au Soudan ?
    Nov 1 2025
    Depuis plus de deux ans et demi, la guerre civile fait rage au Soudan, devenu un « trou noir de l'information ». Alors que s’y rendre est très compliqué, comment informer sur ce qui se passe dans ce pays ? Le journaliste Eliott Brachet, ancien correspondant de RFI à Khartoum, est l'invité de L'atelier des médias pour en discuter. La guerre civile qui ravage le Soudan depuis le 15 avril 2023 oppose les forces armées soudanaises du général Burhan aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemetti. L'ONU décrit la situation comme la « pire crise humanitaire au monde » : 150 000 morts, 13 millions de déplacés et 25 millions de personnes en proie à la famine. Dans ce contexte, le journaliste indépendant Eliott Brachet, ancien correspondant à Khartoum (2020-2023) désormais installé au Caire, décrypte les défis qu'il rencontre pour continuer d'informer sur le Soudan. Eliott Brachet rappelle que son arrivée en octobre 2020 visait à raconter « la fenêtre de liberté qui venait de s'entrouvrir avec la chute d'Omar el-Béchir ». La révolution soudanaise de décembre 2018 avait engendré une effervescence culturelle et une grande liberté de ton, favorisant la naissance d’un journalisme indépendant. Mais la nouvelle génération de journalistes a vu son travail prendre « un grand coup dans l'aile » depuis l'éclatement du conflit et a souvent été contrainte à l'exil. L'une des difficultés majeures pour la couverture médiatique est de faire franchir au Soudan le « plafond de verre dans les médias et dans l'espace public ». L'exposition Soudan, la guerre sur les cendre de la révolution, qu'Eliott Brachet a supervisée à Bayeux, en Normandie, visait d'ailleurs à recontextualiser cette guerre, en rappelant les avertissements des manifestants après le coup d'État de 2021 : la présence des deux généraux à la tête de l’État ne pouvait mener qu'au chaos. Difficulté d'accès et courage des journalistes soudanais Informer sur ce conflit est rendu extrêmement complexe par les difficultés d'accès pour la presse internationale. Les visas sont délivrés «au compte-goutte», et tout journaliste qui parvient à entrer dans les zones contrôlées par l'armée régulière est souvent suivi de près. C'est ce qu'Eliott Brachet a pu constater lors de son dernier reportage au Soudan, fin 2024. Les accès sont encore plus compliqués du côté des FSR, milice aux lignes de commandement floues, où le risque est de «servir la propagande des groupes en place». Le danger le plus grand pèse sur les journalistes soudanais : 32 ont été tués depuis le début de la guerre, indique Eliott Brachet qui insiste sur l'importance de ces regards locaux, souvent équipés d'un simple téléphone portable, qui documentent la guerre. Ces sources, issues de la génération révolutionnaire (activistes, bénévoles dans des réseaux d'entraide civils), sont essentielles pour obtenir des informations. Malgré les risques, la population reste désireuse de parler aux journalistes étrangers, explique Eliott Brachet pour qui ce conflit n'est pas une «guerre oubliée, c'est plutôt une guerre négligée ou une guerre ignorée», car les informations et les images existent, même si elles sont difficiles à obtenir. Guerre d'influence et enjeu technologique Au-delà de l'affrontement fratricide, le conflit est une « guerre d'influence » avec des ramifications régionales. Le Soudan, riche en ressources comme l'or et le pétrole, voit l'exportation de ses ressources doubler, alimentant cette « économie de guerre » qui permet aux belligérants de s'armer. Chaque camp est soutenu par un réseau d'influence : l'armée régulière reçoit l'appui de l'Égypte, du Qatar, de l'Iran et de la Turquie, tandis que les FSR bénéficient d'un soutien des Émirats arabes unis, qui fournissent notamment des drones chinois de dernière technologie. Un autre défi moderne réside dans le rôle de Starlink. Ces connexions internet, souvent amenées par les acteurs armés (notamment les FSR), créent «une dépendance énorme des populations civiles aux acteurs militaires». Les civils doivent payer «un forfait à la minute pour pouvoir se connecter», transformant la communication en une source de revenus et un moyen de contrôle pour les forces en présence. Le recours aux sources ouvertes (OSINT) Face aux restrictions d'accès sur le terrain, le croisement des informations est crucial en raison de l'énorme propagande diffusée par les deux belligérants. L'utilisation de l'OSINT (enquête en sources ouvertes) et des images satellites est un moyen essentiel de suivre le conflit à distance. Eliott Brachet s'est rapproché de réseaux de journalistes et chercheurs, comme le laboratoire de recherche humanitaire de l'université de Yale, dont le travail permet de « documenter le pillage et la mise à sac et l'incendie en fait de nombreux villages au Darfour ...
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    36 min
  • GDIY : Matthieu Stefani explique son approche du podcast (rediffusion)
    Oct 25 2025

    Depuis 2017, Matthieu Stefani reçoit des chefs d'entreprises, des sportifs, des artistes. Son podcast Génération Do It Yourself est un projet rentable qui cumule un million d’écoutes chaque mois. Au micro de L'atelier des médias, Matthieu Stefani partage sa conception du podcast et détaille son approche, notamment en matière de modèle économique.

    Cet épisode est une rediffusion (en version courte) de l'émission du 15 mars 2025.

    Matthieu Stefani est un chef d’entreprise et podcasteur français dont le podcast a pour nom Génération Do It Yourself. Il promet de « décortiquer le succès des personnes qui ont fait le grand saut ».

    À son micro ont défilé ces dernières années plus de 400 chefs d’entreprise, sportifs, artistes. Parmi les derniers : l’auteur Joël Dicker, le fondateur de LinkedIn Reid Hoffman, le skipper vainqueur du Vendée Globe Charlie Dalin ou encore le metteur en scène Thomas Jolly à qui l’on doit les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques de Paris. Mi-2024, le président Emmanuel Macron avait aussi accepté de répondre à son invitation : tout un symbole.

    Dans L'atelier des médias, Matthieu Stefani raconte sa conception du podcast et explique comment il parvient à dégager des revenus avec cette activité de créateur.

    Cet entretien s'est notamment appuyé sur une interview de Matthieu Stefani publiée par Mind Media.

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    25 min