Épisodes

  • Ukraine: au contact de la «kill zone» de Pokrovsk, le récit glaçant d’un soldat ukrainien
    Dec 14 2025
    Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré jeudi que les États-Unis continuaient de demander d'importantes concessions de la part de son pays dans les négociations pour mettre fin à la guerre avec la Russie, dont le retrait de ses troupes du Donbass. Or, c'est dans la région de Donetsk, où se déroulent l'essentiel des combats, que la défense ukrainienne repose sur la ceinture fortifiée. Un dispositif militaire sans équivalent. De Sloviansk, au nord, à Prokovsk, au sud, sur une centaine de kilomètres s'étend la ceinture fortifiée de l'oblast de Donetsk. Ce n'est ni une ligne Maginot, ni un mur de l'Atlantique fait de béton et d'acier. La ceinture fortifiée, c'est avant tout une kill zone. Une ligne de front parfaitement transparente, sur dix kilomètres de profondeur, décrit Dmytro Kushnir, caporal au sein de la Rubizh Brigade de la garde nationale ukrainienne. Elle est déployée à Pokrovsk: « Pour faire un assaut. Pour avancer, il faut traverser cette zone. Tout ce qui se trouve dans cette zone risque d'être attaqué et abattu. Vous avez des drones de surveillance qui sont tout le temps en l'air, tout le temps. Dans les postes de commandement, vous avez des streams en ligne, donc les commandants voient en temps réel ce qui se passe sur toute la zone de leur responsabilité. Donc, ils voient tout. Tout ce qui bouge est ciblé. Dès qu'il y a un char qui sort son nez, tous les pilotes de drones disent: "Je le prends ! Je le prends !" C'est une espèce d'émulation qui se met en route. Les mecs, ils se bousculent pour abattre le char en question. » Le crépuscule des drones Il y a des drones équipés de caméras pour le jour, d'autres pour la nuit. Le seul moment où les infiltrations sont donc possibles dans la kill zone, c’est dans l’entre deux, entre « chien et loup ». « Les crépuscules, c'est la période où on change les drones, et c'est le moment qu'on utilise souvent pour passer, et que les Russes utilisent pour passer notamment. Ensuite, les conditions météorologiques peuvent jouer aussi leur rôle, par exemple le brouillard. Il y a eu une période d'une dizaine de jours, deux semaines sur notre zone de responsabilité à Pokrovsk, avec des brouillards extrêmement épais, ce qui a permis aux Russes d'avancer d'ailleurs, parce que le drone dans le brouillard, il ne voit pas. La pluie aussi, ça n'aide pas. Des vents forts, ça n'aide pas. Les drones sont omniprésents, oui, mais il y a quand même des limites parfois à leur utilisation.» La kill zone, un jeu vidéo meurtrier Au sein de la brigade d’intervention rapide d’infanterie Rubizh, il y a un bataillon de dronistes, armés de FPV, pour First personnal Viewer, des drones kamikazes pilotés avec des masques. Ces dronistes sont la pierre angulaire de la ceinture fortifiée et ce sont tous des geeks sourit Dmytro Kushnir. « Les meilleurs dronistes en Ukraine, ce sont des jeunes qui sont toujours des fans de jeux vidéo. D'ailleurs, j'ai des amis comme ça. J'ai un très bon ami qui était fan de jeux vidéo, aujourd'hui il est au front, il est droniste et il adore ça. C'est une sorte de jeu aussi, mais c'est un jeu meurtrier. Et, aujourd'hui, les gens qui maîtrisent le mieux les drones étaient tous très bons en jeux vidéo.» La transparence de la kill zone contraint les forces qui la défendent à être ravitaillées par drones également Des quadricoptères bombardiers sont utilisés pour la logistique, lestés de sacs de dix kilos, mais encore faut-il échapper aux brouillages électromagnétiques, insiste le caporal Kushnir : « Il y a toute une variété de systèmes de guerre électronique qui ont été développés. Les systèmes personnels, mais aussi des systèmes qui peuvent occuper toute une zone sur la ligne de front. De gros systèmes. La question, c'est les fréquences. Il faut connaître les bonnes fréquences. Et après vous avez des drones, par contre à fibre optique, qui prennent de plus en plus de place dans le combat. Ces drones sont vachement dangereux parce que justement ils n'ont pas peur du brouillage. Ils sont très bons contre les cibles statiques, par exemple, comme des bâtiments. Par contre, ils ne sont pas assez efficaces contre les cibles mobiles.» Avant d'être soldat, Dmytro Kushnir était, dès 2014, secouriste auprès des forces ukrainiennes. Il a donc connu la guerre, sans, puis désormais avec les drones. Des drones dont l'omniprésence limite les combats rapprochés, et constituent l'armature de la ceinture fortifiée de l'oblast de Donetsk. À lire aussiFortifications sur 2 000 kilomètres, drones, l'Ukraine se prépare à une guerre longue
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  • Quel est le rapport de force militaire entre la Russie et l’Europe?
    Dec 7 2025
    Alors que l’Europe pointe les risques d’un affrontement avec Moscou d’ici la fin de la décennie, une étude de l’Institut français des relations internationales analyse les capacités militaires de l’Ouest et de l’Est. Décryptage. Comme à l’époque de la guerre froide, l’Ifri s’interroge en Europe et en Russie combien de divisions ? Et surtout qui a l’avantage ? Dans les airs et sur les mers, pas de doute possible, pointe Elie Tenenbaum, auteur de la note, l’Europe surclasse Moscou. « On a regardé dans notre rapport les capacités d'entraînement, de pouvoir mener des opérations complexes à large échelle. Et de ce point de vue-là, clairement, les Européens ont aujourd'hui un avantage dans le domaine aérien et dans le domaine maritime, qui est sans conteste face à la Russie. Encore faut-il être en mesure d'exploiter ces avantages avec suffisamment de munitions avec le personnel qui convient. Aujourd'hui, c'est le cas, mais il y a une tension sur les pilotes et surtout en adoptant une stratégie qui vise à mettre en avant ces forces. Par exemple, la supériorité maritime aujourd'hui des Européens, elle n'est pas fondamentalement exploitée. Quand on voit la Russie qui, en exploitant sa flotte fantôme de navires qui exportent le pétrole, finalement passe au nez et à la barbe des marines de guerre européennes qui, au nom du droit international, les laissent passer… Donc on n'est pas forcément aujourd'hui dans des stratégies générales qui mettent en avant l'exploitation de ces avantages ». Des trous capacitaires côté européen Si les armées européennes bénéficient d’une supériorité technologique, elles pâtissent en revanche de trous capacitaires et d’une puissance de feu limitée, insiste le directeur de recherche de l’Ifri. « Il y a une certaine faiblesse dans le domaine de la puissance de feu, tous domaines confondus, sur le plan terrestre des frappes longue portée, sur la dimension aérienne et la quantité de munitions. On parle de missiles air-air ou de munitions air-sol qui pourraient exploiter une éventuelle supériorité aérienne. Et même dans le domaine naval, avec un nombre de cellules de lancement par navire de surface par exemple, qui est inférieur à ce qu'on peut trouver ailleurs dans le monde. Donc, on pourrait avoir un renforcement du côté de la puissance de feu ». « L'autre grand axe, c'est tout ce qu'on appelle les "enablers" en anglais (facilitateurs), c'est-à-dire des capacités habilitantes qui donnent une forme de cohérence à l'ensemble, poursuit Elie Tenenbaum. Les Européens ont à peu près tout ce qu'il faut du côté des capacités de combat en ligne, sur le front, nombre d'avions de combat, nombre de véhicules. En revanche, certaines capacités de commandement et de contrôle, de renseignement dans la profondeur, qui donnent finalement la cohérence et la puissance à ces armées modernes qui dépendent très largement de la boucle entre les capteurs et les effecteurs, jusqu'à présent, ont toujours été assurées par les Américains. Alors, il y a un certain nombre de scénarios dans lesquels les Américains continueraient à fournir cette boucle. En revanche, si on part, comme on a essayé de le faire un petit peu sur des hypothèses plutôt moins disantes côté américain, là on voit bien que ça pèche du côté européen ». À lire aussiL'Europe peut-elle devenir un géant de l'industrie de défense? La Russie possède un point fort : la masse de son armée Vladimir Poutine porte l’ambition d’un modèle d’armée fort d’un million cinq cent mille hommes, soit deux fois plus de soldats qu’en Europe. « Il y a une masse légèrement favorable à la Russie, même si les périmètres sont difficiles à calculer en fonction des réserves des uns et des autres. Ça va s'accroître si Vladimir Poutine arrive à mettre en œuvre son modèle de force à 1 500 000 hommes. Mais c'est notamment frappant dans le domaine des forces terrestres où effectivement la Russie a un léger avantage sur le papier. Mais cet avantage tend un petit peu à se renforcer quand vous regardez la capacité à puiser dans cette ressource en effectifs. Parce que finalement, la Russie étant un pays unifié, elle peut mobiliser une grande partie de sa force de combat, là où les Européens étant évidemment répartis en une petite trentaine de pays, si on considère les pays européens membres de l'Otan et parmi eux, on sait bien qu'un certain nombre n'engageraient pas forcément leurs forces. Vous avez un effet un petit peu armée mexicaine, et donc à la fin, c'est sans doute moins de 700 000 combattants des forces terrestres en Europe qui pourraient être mobilisés. » Cohésion et volonté, piliers de la dissuasion militaire Pour être dissuasive, souligne Elie Tenenbaum, l’Europe devra faire preuve d’une unité sans faille, la moindre défection dans ses rangs fragiliserait son architecture de...
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  • La Coalition des volontaires au cœur des garanties de sécurité pour L’Ukraine
    Nov 30 2025
    Parallèlement aux négociations de paix en Ukraine, une réunion de la Coalition des volontaires s’est tenue mardi 25 novembre. Cette dernière réunie une trentaine de pays souhaitant apporter à l'Ukraine des garanties de sécurité dans l'hypothèse d'un cessez-le-feu. Cet engagement pourrait devenir la clé de voûte d’un futur accord de paix. À l’issue de la réunion de la Coalition des volontaires, le président Emmanuel Macron a indiqué qu’un travail allait être engagé avec les États-Unis et l’Otan pour le suivi du respect d’un éventuel futur cessez-le-feu. Il y aura deux axes d’effort, dit le président français : veiller en premier lieu à ce que les effectifs de l’armée ukrainienne ne soient pas limités, et que la Coalition des volontaires de son côté s’engage à déployer des forces de réassurance. Un plan de paix remanié et expurgé par les européens Le plan de paix de Washington remanié et expurgé par les européens, laisse la porte ouverte à cette initiative, puisque nulle part dans le document, précise le diplomate Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques, n'est dit qu'un déploiement militaire d’appui serait interdit. Mais pas directement en Ukraine, c’est une ligne rouge pour Moscou : « Dans les propositions européennes de modification du plan Trump, il y a l'idée que la Coalition des volontaires ne serait pas sur le territoire ukrainien en temps de paix. Donc ça veut dire qu'ils se réservent de rentrer en cas de violation d'un accord éventuel. C'est un point important, évidemment, puisque dans le plan américain, il est pris en compte que les Russes refusent toute présence permanente de membres de l'Otan sur le territoire ukrainien. C'est donc une façon d'accommoder en quelque sorte ce qui est une condition sine qua none pour les Russes. Mais il est réservé la possibilité d'entrer sur le territoire ukrainien en cas de violation de l'accord. » À lire aussiGuerre en Ukraine: Marco Rubio et Steve Witkoff reçoivent une délégation ukrainienne aux États-Unis Une Coalition des volontaires qui commence à peser La Coalition des volontaires, née en mars dernier après la désastreuse rencontre dans le bureau ovale entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky ne réunissait initialement que quelques pays, à l’instar de la Grande-Bretagne et de la France. Très peu de volontaires au départ, mais désormais cette coalition réunie près d’une trentaine de nation et commence à peser pointe Jean de Gliniasty, « On peut espérer que 26 États participeront à un système de garantie de sécurité à l'Ukraine, qui impliquera des troupes à la frontière, éventuellement des mesures navales ou aériennes. Dans le plan Trump, qui est repris par le plan européen, il y a un stationnement d'avions de guerre en Pologne. On voit très bien s'articuler un système sans présence permanente de troupes de l'Otan, un système relativement protecteur pour l'Ukraine. Si l'accord est signé en l'état, contrairement à ce qu'on dit, ce n'est pas une capitulation de l'Ukraine ou une victoire pour la Russie. La Russie perd complètement l'Ukraine, qui est intégrée au système occidental via notamment l'Union européenne, mais elle gagne 20% du territoire. Il y a une espèce de partage, en quelque sorte, des pertes des deux côtés. Si chacune des deux parties peut clamer victoire, il n'est pas exclu que cet accord puisse tenir. Et donc à ce moment-là, les garanties qui sont élaborées deviennent suffisantes. » Un groupe de travail piloté par la France, la Grande-Bretagne et associant étroitement la Turquie, qui sur le plan maritime joue un rôle clé, a vu le jour cette semaine. Pour la première fois avec l’implication américaine pour bâtir les forces de réassurances censées consolider l’armée ukrainienne. À lire aussiUkraine: les Européens ne veulent pas d'un plan américain aux allures de «capitulation»
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  • Le Rafale de Dassault Aviation en passe de devenir l'avion de la liberté du ciel ukrainien
    Nov 23 2025

    Volodymyr Zelensky a signé lundi 17 novembre, avec Emmanuel Macron à Paris une « déclaration d'intention » qu'il a qualifié d'« historique » en vue de l'achat futur de systèmes de défense aérienne et de cent avions de combat français Rafale. Si Kiev a sélectionné cet appareil, c'est qu'il a subi l'épreuve du feu avec succès mais aussi qu'il est un véritable couteau suisse du ciel.

    Les pilotes disent du Rafale qu'il est « Combat proven », comprenez.: l'avion a connu l'engagement opérationnel. L'avion a connu l'épreuve du feu que ce soit en Afghanistan, en Libye ou en Syrie. Le Rafale est un chasseur omni-rôle, au cours d'un même vol, précise Jean Marc Tanguy, du journal spécialisé Air et Cosmos, l'appareil est taillé pour mener différents types de missions.

    « Il est capable de faire à la fois des missions air-air, c'est-à-dire de combattre d'autres aéronefs. Russes, en l'occurrence, si on se place dans le contexte ukrainien, il peut aussi abattre des drones de toutes sortes et de tailles. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui au dessus du territoire ukrainien, il y a aussi des missiles qui sont beaucoup plus complexes, des missiles de croisière par exemple, et bien les missiles du Rafale peuvent abattre ces missiles de croisière qui sont envoyés par les bombardiers russes. Mais il peut également faire des missions de reconnaissance. Il ne faut pas oublier aussi que le Rafale peut larguer des missiles de croisière Scalp G, qui sont très efficaces ».

    À lire aussiCent Rafale pour Kiev: Paris se positionne comme un fournisseur à long terme de l'Ukraine

    L'Ukraine veut des Rafale et des Gripen

    Outre le Rafale, l'Ukraine a récemment signé une lettre d'intention pour acquérir auprès de la Suède une centaine de Gripen, un mono-réacteur léger complémentaire du chasseur français. Et si ces deux contrats voient le jour, Kiev disposera alors d'une redoutable force aérienne: « En ayant deux fournisseurs différents de chasseurs. l'Ukraine se garantit en quelque sorte une forme de réactivité. Mais surtout, si jamais elle avait un problème structurel sur un de ces deux chasseurs par exemple, le Gripen a déjà connu des petits soucis, ils auront toujours une deuxième source. En ayant un petit chasseur très polyvalent et en ayant un chasseur bien plus complet, beaucoup plus polyvalent, beaucoup plus éprouvé au combat, l'Ukraine aura deux sources complémentaires ».

    Un défi industriel

    Mais pour Dassault Aviation, fournir à Kiev jusqu'à 100 Rafale sera un véritable défi industriel. Dassault ne fabrique que 25 appareils par an et doit d'abord honorer les contrats grecs, émiriens, indiens et ceux de l'Armée de l'Air française. Pour accélérer les cadences, la production sous licence du Rafale par un partenaire n'est donc pas à exclure, pointe Jean-Marc Tanguy.

    « Il va falloir prioriser un certain nombre de choses. Il va falloir mobiliser la supply chain, il y a en gros 400 partenaires majeurs qui sont un petit peu disséminés sur le territoire national. Donc il y a d'énormes défis logistiques pour faire converger toutes les pièces vers le site d'assemblage unique du Rafale. Le site de production, c'est Mérignac, c'est une usine historique de Dassault. Par contre, l'outil industriel français tel qu'il est aujourd'hui configuré, risque d'être asphyxié. Donc Dassault peut décider d'augmenter ses propres capacités en France, mais il peut également décider de travailler avec des partenaires qui ont une capacité à le faire. Et c'est vrai qu'en Inde, car c'est une nation industrielle, pourrait produire assez rapidement du Rafale ».

    Si le contrat se concrétise, Dassault pourrait s'enorgueillir de protéger le ciel ukrainien. Le Rafale deviendrait l'avion de la liberté. De très bon augure pour l'industrie tricolore. Car ce contrat majeur serait en mesure de consolider sa position, notamment dans le très délicat projet d'avions du futur européen.

    À lire aussiLe chasseur «Rafale», cœur battant de Dassault aviation

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  • En Roumanie, dans la boue et le froid, l'Otan réapprend le combat de tranchées
    Nov 16 2025

    En Roumanie, l'Otan a montré sa solidarité stratégique face à la Russie. L'exercice « Dacian Fall » commencé le 20 octobre 2025 s'est achevé ce 13 novembre. Et c'est une première, une brigade multinationale sous commandement français a multiplié les manœuvres à grande échelle pour valider la capacité de l'armée française et de ses alliés à se déployer vite en cas de crise. Pour Lignes de défense, Franck Alexandre était en Roumanie, où dans la boue des Carpates, il a observé les soldats de l'Otan s'entraîner, comme en Ukraine, aux combats de tranchées.

    Exercices d'attaque et de défense. C'est à tour de rôle pour les 3 000 soldats déployés dans les montagnes du nord de la Roumanie. Dix nations sous commandement français pour un exercice de très grande ampleur, non loin de l'Ukraine. Nous sommes sur le camp de Cincu, à flanc de colline. Un front fictif avec le colonel Edward Dupleix : « Là, ils sont au contact. Les Français tiennent la crête et les Roumains qui mènent l'assaut se réarticulent et vont percer sur la défense du bataillon français. Nous allons rejoindre cette ligne de défense et voir comment le bataillon français manœuvre pour retarder ou empêcher cette attaque du bataillon ennemi. »

    Se préparer à la guerre de haute intensité, à la lumière du conflit ukrainien, c'est réapprendre le combat de tranchées. Nous entrons dans ce réseau solidement défendu par la compagnie du capitaine Benjamin : « Le réseau de tranchées qui est derrière moi, c'est un réseau qui fait environ 300 mètres de largeur sur 300 mètres de profondeur, qui est creusé à plus de deux mètres, ce qui permet de se protéger du risque artillerie. C'est une position qu'on peut tenir longtemps face à un ennemi qui arrive en masse et dans lequel on peut s'enterrer, si jamais les obus arrivent et que l'on est harcelé par la menace aérienne. On glisse beaucoup, beaucoup de boue, c'est très humide, surtout en ce moment avec l'hiver qui commence. »

    S'enterrer pour durer

    Des barbelés à foison, un boyau creusé en zig-zag. Nous voilà en première ligne. La section du lieutenant Sanson l'occupe depuis deux jours. « L'endroit est rustique. Mais il nous permet de durer. Vous voyez, on a des filets de camouflage pour tout ce qui est protection, lutte anti-aérienne et drone. Ça nous permet de nous camoufler, de nous disperser et surtout de durer sur le temps. Parce que l'objectif d'un réseau comme ça, c'est de rester plusieurs jours, plusieurs semaines pour pouvoir défendre un compartiment de terrain clé », explique-t-il.

    À intervalles réguliers, des créneaux de tir très camouflés équipés de minimi, des mitrailleuses à canon court. « Cette arme a une grosse puissance de feu, donc je ferai baisser les têtes. Ce sera difficile de passer », dit avec beaucoup d'assurance en soldat du 92e régiment d'Infanterie de Clermont-Ferrand.

    Un signalement stratégique de l'Otan

    Depuis 2022, la France est nation-cadre pour défendre en Roumanie le flanc est de l'Otan. Un signalement stratégique, car intégrer plusieurs nations dans une brigade otanienne est un défi militaire au niveau des procédures, mais aussi de la diffusion des ordres, souligne le général Maxime Do Tran, commandant la septième brigade blindée déployée pour Dacian Fall. « À partir de Cincu, je vais coordonner des tirs de plus de neuf nations européennes, des Piranhas portugais qui vont tirer avec des Leclerc français survolés par des F-16 roumains et montrer que, à la fois concernant la manœuvre et les tirs, il y a une vraie interopérabilité. C'était le message envoyé à nos compétiteurs que nous sommes prêts d'emblée. Nous sommes prêts au feu et rapidement si besoin se faisait sentir », clame-t-il. Projeter 3 000 hommes et leur équipement en quelques semaines seulement en Roumanie, ce fut l'autre défi de « Dacian Fall », exercice que l'Otan veut renouveler à une échelle plus large, celle d'une division multinationale, dès 2027.

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  • Le missile Bourevestnik, «l’arme de fin du monde» de Vladimir Poutine
    Nov 9 2025

    « L’atmosphère sur le nucléaire est préoccupante » a jugé mercredi le plus haut gradé français, le général Mandon, pointant devant la commission de la défense du Sénat, « un niveau de discours et d’agressivité assez exceptionnel ». Washington tout comme le Kremlin menacent de reprendre les essais nucléaires et l’escalade a débuté il y a 15 jours avec le tir en Russie d’un missile à propulsion nucléaire, une arme invincible selon Vladimir Poutine.

    Code Otan Skyfall, mais les russes l’appellent Bourevestnik, ce qui littéralement signifie « annonciateur de tempête ». Et c'est vêtu d'un treillis militaire que le 26 octobre dernier, Vladimir Poutine a annoncé, le tir réussi de cette arme fatale. « Un missile de fin du monde », a précisé le maitre du Kremlin, un « Tchernobyl volant » ont corrigé de nombreux scientifiques. Car aucun autre pays au monde ne s'est jamais risqué à développer un missile à propulsion nucléaire, bien trop dangereux.

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    Un missile aux trajectoires originales

    Le Bourevestnik, comme le missile hypersonique Kinjal ou l’Iskander fait partie des six projets d’armes stratégiques dévoilés par Moscou en 2018. S’il ne vole pas très vite, sous la vitesse du son, son moteur nucléaire lui permet en revanche de voler presque indéfiniment. Et c’est une nouvelle menace pour les États-Unis décrypte Héloïse Fayet chercheuse à l’Ifri, l’institut français des relations Internationales : « Il peut voler sur de très longues distances et avec des manœuvres et une trajectoire assez originale. Il pourrait arriver sur le territoire américain via le sud des États-Unis, alors que la majorité des radars et des systèmes de défense antimissile sont situés dans le nord des États-Unis et en Alaska. Parce qu'en fait, le chemin le plus court entre la Russie et les États-Unis, ce n'est évidemment pas via l'Amérique latine, ni même l'Atlantique Nord, c'est par l'Arctique ».

    Lors de l’essai, ce missile a volé plus d'une dizaine d'heure, « cela permet d'atteindre des distances extraordinaires » s'est inquiété le général Mandon devant les sénateurs, ajoutant « Un cœur nucléaire qui vole dans une arme, ce n'est pas anodin ».

    Un missile destiné à effrayer les Occidentaux

    « Un tir inapproprié », avait également rétorqué Donald Trump, au lendemain de l'annonce, laissant entendre en réponse que les États-Unis pourraient reprendre des essais nucléaires.

    L'heure est à l'escalade, à la compétition et à une atmosphère de guerre froide souligne Héloïse Fayet, « La Russie veut déjà démontrer qu'elle a toujours des capacités d'ingénierie malgré la guerre en Ukraine. Et puis il y a toujours eu un intérêt de la Russie pour des armes un peu exotiques. D'autant plus quand Poutine sait que ça va avoir des conséquences psychologiques, en Occident. Et puis également, ce missile est tout de même intéressant dans sa capacité à saturer potentiellement une défense anti-missile. On sait que Donald Trump est très intéressé par la défense antimissile avec son projet de Golden Dôme. Et donc en fait, on peut voir ce missile comme une façon d'encourager le projet de la défense antimissile de Donald Trump. Un projet qui, là aussi, est extrêmement coûteux, alors même que la modernisation de la dissuasion nucléaire américaine a pris du retard avec des budgets qui ont explosé ».

    Le Bourevestnik, toujours à l’état expérimental, est exclusivement destiné à armer la dissuasion nucléaire russe, il a aussi pour but d’effrayer les occidentaux.

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  • Robots terrestres, le nouveau défi de l’armée de Terre française
    Nov 2 2025

    Après les drones aériens, le prochain bouleversement viendra des robots terrestres. Les prototypes sont à l’essai et l’armée de Terre ambitionne de mettre sur pied dès l’an prochain une unité complétement robotisée. RFI est allée voir ces premières machines sur le plateau de Satory près de Versailles, où se trouve le service technique de l'armée de Terre.

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  • La dissuasion nucléaire russe à l’épreuve de la guerre en Ukraine
    Oct 26 2025
    Dès le lancement de son « opération militaire spéciale » (SVO) contre l’Ukraine, le 24 février 2022, le Kremlin, qui dispose de l’un des plus vastes arsenaux nucléaires au monde, a adopté des mesures de dissuasion agressives et une rhétorique résolument menaçante. Décryptage d’un possible emploi de l’arme nucléaire par Moscou, avec Dimitri Minic, chercheur à l’Institut français des Relations internationales, l’Ifri. RFI : Dès les premiers jours de la guerre, Moscou adopte une rhétorique nucléaire agressive. Quelle est sa stratégie ? Dimitri Minic : Le 24 février 2022, sa stratégie, c'est de prendre Kiev en quelques heures et au pire quelques jours, et de soumettre politiquement l'Ukraine. Quand Vladimir Poutine fait son discours sur l'opération militaire spéciale le 24 février, qui annonce son déclenchement, il fait une allusion à un emploi possible de l'arme nucléaire, face à ceux qui voudraient s'impliquer directement dans ce conflit pour aider l'Ukraine. Ce qui, au fond, a permis à la Russie d'éviter effectivement une escalade de la guerre locale en guerre régionale, impliquant d'autres pays, d'autres puissances, mais qui n'a pas suffi non seulement à dissuader effectivement l'Ukraine de résister, mais surtout qui n'a pas permis d'éviter le début d'un flux d'aide militaire à l'Ukraine. Et par ailleurs, ces menaces nucléaires russes n'ont pas permis d'empêcher l'instauration de sanctions économiques très importantes de l'Occident contre la Russie. Donc, c'est un succès relatif de la stratégie nucléaire russe, mais qui, en réalité, ne permet pas à la Russie d'isoler l'Ukraine de l'Occident, ce qui était son principal objectif. Mais il y a quand même une véritable inquiétude qui plane en Occident, puisque le nucléaire tactique fait partie de l'arsenal russe. Le nucléaire a été étendu à la guerre conventionnelle, en quelque sorte ? Oui, absolument. En fait, à la chute de l'Union soviétique, les élites militaires russes héritent d'une doctrine de non-emploi en premier. Et progressivement, elles se rendent compte que la théorie de la dissuasion et ses mécanismes étaient peu développés par rapport à ce qui existait en Occident. Dans les années 90, vous avez une grande période d'élaboration conceptuelle, de théorisation qui conduit l'armée russe, au plan théorique et doctrinal, à effectivement étendre la dissuasion nucléaire aux guerres conventionnelles de toute ampleur, locales, régionales et à grande échelle. Il y a un emploi possible de l'arme nucléaire, un emploi démonstratif, limité, censé mettre fin aux combats dans des conditions favorables à la Russie. On aurait pu se dire, puisque l'opération militaire spéciale est un échec pour la Russie, il est possible que ces concepts soient appliqués. Mais en réalité, cette doctrine exigerait des conditions qui ne sont pas du tout réunies dans la guerre en Ukraine. Pour que Moscou prenne des mesures de dissuasion nucléaire très claires, il faudrait par exemple un transfert des têtes nucléaires depuis les entrepôts centraux vers les unités, vers les bases. Un transfert démonstratif médiatisé qui montrerait que la Russie commence à penser sérieusement à employer l'arme nucléaire ou un essai nucléaire réel, ou d'autres types de mesures qui montreraient qu'elle a vraiment la volonté de le faire. Mais il faudrait qu'elle se trouve dans des conditions extrêmement graves. Il faudrait qu'elle soit en passe de perdre de manière irrémédiable face à un ennemi conventionnel, aidé par des États d'ailleurs dotés de l'arme nucléaire, qui non seulement aient envie de conquérir des territoires russes ou bien aient envie de changer le régime russe. À lire aussiRussie: Vladimir Poutine annonce une révision de la doctrine nucléaire et menace les Occidentaux On le voit au début de la guerre, les Américains vont sonder les Russes afin de savoir dans quelles conditions ils pourraient utiliser l'arme nucléaire. Absolument. Et à l'époque, Valeri Guerassimov répond qu'il y a trois conditions : l'utilisation d'armes de destruction massive contre la Russie, une volonté, une tentative de changer le régime, une déstabilisation profonde du régime provoqué par un État étranger. Et la troisième condition serait des pertes catastrophiques sur le champ de bataille. Et c'est intéressant parce que, à l'époque, à l'automne 2022, la Russie subit des pertes et surtout des revers militaires importants en Ukraine, dans le Donbass. Valeri Guerassimov, à ce moment-là, en évoquant ces trois conditions, abuse de son interlocuteur parce qu'il est évident que la Russie aurait pu compenser ses pertes assez rapidement et qu'elle a de telles réserves matérielles et humaines qu'il est très peu probable qu'elle recourt au nucléaire dans ce type de conditions loin d'être inacceptable ou en tout cas catastrophique pour elle. Vous identifiez trois ...
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