Page de couverture de Peter Norman, le paria invisible

Peter Norman, le paria invisible

Peter Norman, le paria invisible

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Il n’a pas levé le poing. Il n’a pas crié. Mais, il a choisi son camp. En 1968, aux côtés de Smith et Carlos, Peter Norman offre dans cette photo l’un des gestes les plus puissants de solidarité silencieuse du XXe siècle. Il en paiera le prix. Mexico, 1968 Le monde a les yeux rivés sur les Jeux olympiques. La guerre du Vietnam s’enlise, l’Amérique se soulève pour les droits civiques, Martin Luther King vient d’être assassiné. Et sur le podium du 200 mètres, une image entre dans l’Histoire : Tommie Smith, médaillé d’or, et John Carlos, médaillé de bronze, lèvent un poing ganté de noir. Pendant l’hymne américain, leurs têtes s’inclinent, le silence devient cri. À côté d’eux, un homme reste immobile. Il ne lève pas le poing. Il ne baisse pas la tête. Il regarde droit devant lui. Cet homme, c’est Peter Norman, sprinteur australien, médaillé d’argent. Ni noir, ni américain, il ne vient pas des quartiers où l’on brûle d’injustice. Mais lui aussi refuse de détourner le regard. Sur la poitrine de son survêtement, un petit badge : Olympic Project for Human Rights. Quelques minutes avant la cérémonie, il l’a demandé à John Carlos. Sans badge, pas de signe. Sans signe, pas de parole. Peter Norman veut en être. Non par provocation, mais par solidarité. Il ne sait pas encore qu’il va tout perdre : sa carrière, ses chances aux Jeux suivants, son gagne-pain. Mais il sait aussi pourquoi il le fait. Car en Australie aussi, certains vivent sans droits, sans voix. Les Aborigènes, peuple premier, exclus de la citoyenneté, effacés des livres d’histoire. Peter Norman est blanc, mais il refuse de rester spectateur. Son geste est silencieux, presque invisible. Mais il pèse lourd. À son retour, l’Australie officielle l’efface. Ses temps de qualification pour Munich, quatre ans plus tard, ne compteront pas. On ne le sélectionnera plus jamais. Il perd son emploi, sa vie bascule. Il ne reniera jamais son choix. Pendant des années, il sera ignoré, mis à l’écart. Il faudra attendre 2006 pour que la reconnaissance revienne. Quand Peter Norman meurt, Tommie Smith et John Carlos, ses frères d’un soir et pour toujours, portent son cercueil. Comme pour rappeler au monde que sans lui, ce podium n’aurait pas eu la même force. Un homme, un badge, un silence. Et toute une histoire. Celle d’un juste, d’un allié, d’un frère resté debout aux côtés de ceux que l’on voulait faire taire. À lire aussiJO de Mexico 1968 : entre reconnaissance mondiale et appel à la démocratie Prolongez ci-dessous l’expérience avec des conseils de lectures, ainsi que les analyses et les éclairages exclusifs de l’historienne Sandrine Lemaire. Vous trouverez aussi dans les liens associés à cette présentation, l’accès à des ressources numériques complémentaires, à des archives photographiques rares et documents visuels pour mieux comprendre les enjeux politiques, sociaux et culturels autour du champion olympique. Comprendre le contexte autour de l’exclusion de Peter Norman de l’équipe olympique australienne Sandrine Lemaire est agrégée, docteure en histoire de l’Institut universitaire européen de Florence, enseignante en Classes préparatoires aux Grandes écoles au lycée Jean-Jaurès à Reims et codirectrice du Groupe de recherche Achac. Elle est coauteure de plusieurs ouvrages dont Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines, La Découverte, 2004 (avec Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch et Éric Derro) ; La Fracture coloniale, La Découverte, 2005 (avec Pascal Blanchard et Nicolas Bancel) ; L'Illusion coloniale, Tallandier, 2006 (avec Éric Deroo) ; Décolonisations françaises. La chute d’un empire, La Martinière, 2019 (avec Nicolas Bancel et Pascal Blanchard) ; et Colonisation & propagande. Le pouvoir de l'image, Le Cherche midi, 2022 (avec Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Alain Mabanckou, Dominic Thomas) ; les ouvrages collectifs Une histoire mondiale de l’olympisme, co-édition Atlande et Atlantique ; Olympisme, une autre histoire du mode, éditions de La Martinière. Les analyses de Sandrine Lemaire : Conseils de lecture - Poing Noir, de Jérôme Peyrat- Éd. Salto - Mexico 68 : trois hommes, un destin : distribution, les 3 hommes (Tommie Smith, Peter Norman, John Carlos), d'Alain Coltier – Éditions ABS - Les Aborigènes d'Australie, de Stephen Muecke et Adam Shoemaker, Trad. de l'anglais (Australie) par Josée Bégaud – Découvertes Gallimard Programmation musicale Midnight Oil – Beds Are Burning
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