Épisodes

  • De Fès à Tombouctou, résonances africaines du soufisme
    Dec 12 2025

    La mémoire du continent explore l’histoire du soufisme et ses résonances africaines. Des deux côtés du Sahara, itinérance historique de Fès à Tombouctou, sans oublier la corne de l’Afrique, lieux où s’est écrit une belle page des interconnexions religieuses continentales. Branche, incarnation, les mots peuvent varier pour définir cet élan de l’islam, fait de quête mystique, intérieure, de vitalité confrérique, de lieux mémoriels, et de fidèles transnationaux.

    Le soufisme, à l’heure des périls sécuritaires au Sahel, de la gangrène jihadiste, et des idées reçues sur l’islam politique.

    Une émission enregistrée à Casablanca dans le cadre de la 2ème édition du festival Amwaj dédié aux podcasts et à la création sonore, et organisé par l'association Longueur d'Ondes (Brest, France), le studio indépendant Les Bonnes Ondes et l’Institut français.

    Avec la participation du Pr Ali Benmakhlouf, philosophe et professeur émérite à l’université Paris-Est Créteil et à l’université Mohammed VI Polytechnique du Maroc

    Et une chronique de Sami Lakmahri, journaliste pour le site d’information marocain Le Desk

    Voir plus Voir moins
    39 min
  • Depuis 1947, un siècle d’insoumission malgache
    Dec 5 2025

    Si, en 2025, la génération Z a eu raison du pouvoir, portée par des revendications sociales, elle semble pourtant tenir d’aînés qui ont balisé un chemin. En 1947, Madagascar ouvre la voie vers les indépendances par une révolte portée entre autres par la paysannerie, matée dans le sang par les colons et leurs supplétifs des colonies.

    Vingt-cinq ans plus tard, en 1972, une vaste mobilisation menée par les étudiants et les travailleurs renverse l’ordre établi et précipite la dynamique de la révolution culturelle avec, à l’horizon, la malgachisation.

    Enfin, en 2001 et en 2002, une élection présidentielle disputée et une crise post-électorale plongent le pays dans la paralysie, opposant deux camps revendiquant chacun la légitimité du pouvoir. Les manifestations massives à Antananarivo confirment le rôle central de la contestation populaire dans la vie politique malgache.

    Avec la participation de :

    Michèle Rakosoton, écrivaine malgache

    Denis-Alexandre Lahiniriko, historien et maître de conférences au département d'Histoire de l'Université d'Antananarivo et à l'Université catholique de Madagascar.

    *********************************************

    1947, un mouvement principalement paysan

    L’émission explore la longue tradition de résistance qui marque Madagascar depuis le XIXᵉ siècle. Située entre influences française et britannique, l’île développe très tôt une culture politique d’insoumission face aux abus et aux logiques coloniales. La révolte éclate dans un contexte de tensions extrêmes : travail forcé, réquisitions, pauvreté, humiliation quotidienne et code de l’indigénat.

    La société secrète Jina, composée d’anciens soldats et de militants nationalistes, cristallise la colère des populations rurales et prépare la date symbolique du 29 mars 1947. Si Tananarive reste sous contrôle, les régions de Moramanga, Manakara et la côte est s’embrasent. Les insurgés, souvent mal armés, visent les postes administratifs et les symboles de l’autorité coloniale. Le mouvement est rural, populaire, spontané, nourri de solidarités communautaires.

    L’armée française mène une répression méthodique : villages incendiés, déplacements forcés, exécutions, tortures, procès massifs. Les estimations évoquent entre 30 000 et 40 000 morts, ce qui fait de 1947 l’un des épisodes les plus sanglants de l’histoire coloniale française.

    Cette tragédie marque durablement les familles et la société malgache. L’écrivaine Michèle Rakotoson insiste sur le silence traumatique qui se transmet entre générations, mais aussi sur la capacité de la littérature à redonner voix aux oubliés et à reconstruire un récit national.

    1972 : la jeunesse reprend le flambeau

    Dans les années 1950, les partis nationalistes se divisent entre négociations modérées et radicalité. Le PADESM (Parti des déshérités de Madagascar), soutenu par l’administration coloniale et représentant surtout les élites côtières, capte le processus d’indépendance, obtenue en 1960 sans véritable rupture.

    Une nouvelle révolte éclate en 1972, cette fois dans les villes. Étudiants et lycéens dénoncent un système éducatif hérité de la colonisation, inadapté et profondément inégalitaire. Inspirés par les mouvements révolutionnaires internationaux, ils mobilisent ouvriers, fonctionnaires et paysans.

    Les manifestations se généralisent, paralysent le pays et renversent le président Tsiranana. Beaucoup de Malgaches considèrent dès lors 1972 comme la « véritable » indépendance, celle gagnée par les luttes internes plutôt que par une transition contrôlée par la France.

    Voir plus Voir moins
    39 min
  • Rabat, Alger, Tunis : le triangle panafricain du Maghreb
    Nov 27 2025

    Direction le Maghreb ce dimanche. À Rabat, dans le royaume chérifien, berceau méconnu des aventures du panafricanisme au nord. À Alger, décrite comme La Mecque des révolutionnaires. Et bien sûr à Tunis, au pays de Carthage, à la pointe des révoltes portées par la culture et l’art. Trois destinations, à l’instar de Accra et Conakry, qui ont vu naître et s’élever les rêves panafricains à une époque où le Sahara n’était pas cette fracture imaginaire entre le nord et le sud du continent.

    Avec :

    - Paraska Tolan-Szkilnik, historienne, autrice de «Maghreb noir : Rabat, Alger et Tunis dans les luttes panafricaines» (éd. Ròt-Bò-Krik)

    - Seloua Luste Boulbina, philosophe, spécialiste des études postcoloniales, autrice de «Les Arabes peuvent-ils parler ?» (éd. Black Jack).

    *************************************

    La mémoire du continent nous conduit au Maghreb, dans ces villes du nord de l’Afrique qui furent, des années 1950 aux années 1980, des foyers essentiels du panafricanisme. Rabat, Alger et Tunis, parfois perçues comme séparées du reste du continent par une frontière imaginaire, ont en réalité été des espaces de circulation intense. Malgré la barrière symbolique et politique que le colonialisme français avait érigée autour du Sahara, les idées, les militants et les artistes africains y ont trouvé des terrains d’échange et de solidarité.

    Rabat : un foyer intellectuel et révolutionnaire

    Rabat accueille une génération de militants luso-africains tels que Mario de Andrade, Amílcar Cabral ou Marcelino dos Santos. Sous le règne de Mohammed V, ils développent une conscience politique nourrie par la poésie, les débats marxistes et les formations militaires. La rencontre avec Frantz Fanon joue un rôle déterminant dans leur orientation révolutionnaire.

    La revue Souffles, créée par Abdellatif Laâbi, prolonge cet élan en devenant une plateforme panafricaine majeure. Elle ouvre ses pages à des voix, de Rabat à La Havane, et cherche à dépasser la négritude pour inventer de nouvelles voies culturelles. Sa disparition, sous la répression de Hassan II, marque un tournant et un affaiblissement de la dynamique révolutionnaire marocaine.

    À Alger, «la Mecque des révolutionnaires»

    Après Rabat, Alger devient le centre moteur du panafricanisme. Dans une Algérie fraîchement libérée de la colonisation, les luttes anti-impérialistes et les mouvements de libération trouvent soutien politique et logistique.

    Le festival panafricain de 1969 constitue un moment emblématique : musiciens, danseurs, cinéastes et penseurs y expriment une Afrique en renaissance, où la culture accompagne le combat politique. L’arrivée au pouvoir de Boumediene, renversant Ben Bella, reconfigure toutefois les équilibres idéologiques tout en maintenant une diplomatie panafricaniste active.

    Tunis, le cinéma comme langage panafricain

    Tunis joue également un rôle important grâce aux Journées cinématographiques de Carthage. Ce festival devient un lieu de rencontre privilégié pour les cinéastes africains, où le cinéma sert de vecteur de mémoire, d’engagement et d’imaginaire politique partagé.

    Rabat, Alger et Tunis démontrent que le nord du Sahara a porté des projets culturels, politiques et artistiques qui ont façonné les luttes africaines pour la liberté.

    Voir plus Voir moins
    39 min
  • Soudan du Sud : un long et douloureux chemin vers l’indépendance
    Nov 21 2025

    Le Soudan du Sud, 54ème pays d'Afrique et nation la plus jeune du monde, a rejoint la famille des Etats le 9 juillet 2011 avec les espoirs vifs et tout en liesse de survivre aux péripéties sanglantes de son histoire. Mais après la joie de l’autodétermination, le pays retrouve ses démons : conflits persistants autour du pétrole, passifs non soldés avec Khartoum, triple fracture religieuse, ethnique et coloniale. Et un fait demeure, le Soudan du Sud saigne.

    **********************************

    Une naissance dans l’euphorie (2011)

    Le 9 juillet 2011, le Soudan du Sud célèbre son indépendance dans une atmosphère d’enthousiasme.

    Les habitants, longtemps opprimés au sein du Soudan, voient dans cette journée l’aboutissement de plus d’un demi-siècle de luttes, de guerres et de marginalisation.

    Le drapeau sud-soudanais est hissé, l’hymne national chanté, et le président Salva Kiir prend la parole devant une foule en liesse.

    La domination du Nord et la première guerre civile

    Après l’indépendance du Soudan (1956), le pouvoir était concentré entre les mains d’une élite arabophone et musulmane du Nord, provoquant frustrations et révoltes dans le Sud, majoritairement chrétien ou animiste. Cette situation mène à une première guerre civile dès 1955, close en 1972 par un accord d’autonomie fragile, vite remis en cause notamment après la découverte du pétrole.

    Rechute : la charia et l’émergence de John Garang

    En 1983, le président Nimeiry instaure la charia et le conflit reprend.

    Émerge alors la figure charismatique de John Garang, fondateur du SPLM/SPLA, qui devient le principal acteur du combat sudiste.

    Un nouveau coup d’État porte Omar el-Béchir au pouvoir en 1989, radicalisant encore le régime.

    La guerre s’étend, marquée par des massacres et l’ingérence de puissances régionales.

    Accords de 2005

    Après de longues négociations, Nord et Sud signent en 2005 un accord prévoyant l’autodétermination dans les six ans.

    Mais John Garang meurt dans un accident d’hélicoptère la même année.

    Son successeur, Salva Kiir, mène le processus jusqu’au référendum d’indépendance en 2011.

    Après l’indépendance, la désillusion

    Très vite pourtant, l’espoir laisse place à la désillusion. L’État sud-soudanais, dépourvu d’institutions solides, est miné par la corruption, la rivalité entre Salva Kiir et son vice-président Riek Machar, et la lutte pour le contrôle du pétrole qui constitue 98 % des revenu. En 2013, ces tensions débouchent sur une guerre civile aux dimensions ethniques marquées, opposant Dinka et Nuer. Le conflit fait des centaines de milliers de morts et provoque d’immenses déplacements de population. Malgré un accord de paix signé en 2018, la stabilité reste précaire. Né dans l’enthousiasme, le Soudan du Sud demeure plongé dans une spirale de conflits et confronté à des défis politiques, économiques et sociaux considérables.

    *****************************

    Programmation musicale :

    ► Heywete - Tesfa Maryam Kidane

    Voir plus Voir moins
    39 min
  • Commerce, esclavage et royauté : l’empire de madame Tinubu dans le Nigeria du XIXème siècle
    Nov 14 2025

    Efunroye Tinubu fut une figure majeure du Nigeria du XIXᵉ siècle. Femme d’affaires redoutable, elle réussit à s’imposer dans un monde d’hommes et fit fortune dans le commerce, y compris celui des esclaves, avant de devenir une cheffe politique influente à Lagos et à Abeokuta. À une époque marquée par les bouleversements coloniaux et l’abolition progressive de la traite, Tinubu incarna à la fois la réussite, le pouvoir féminin et les contradictions de son temps.

    Héroïne pour certains, négrière pour d’autres, elle demeure l’un des visages les plus fascinants - et les plus ambigus - de l’histoire nigériane.

    Avec la participation de Sylvia Serbin, journaliste et historienne, autrice de « Reines d'Afrique et héroïnes de la diaspora noire » (éd. Sepia).

    Voir plus Voir moins
    39 min
  • Au Mali, l’écriture comme semence : alphabétisation dans la région cotonnière de Fana
    Nov 7 2025

    Qu’entend-on par les «pratiques de l’écrit» ? Elles désignent les usages de l’écrit de tous les jours, pour noter, consigner, mesurer, garder les traces d’une transaction… Écriture ordinaire ou utilitaire, ses enjeux n’en sont pas moins importants. Direction le Mali, plus précisément dans la région cotonnière de Fana, où un important programme d’alphabétisation a permis aux paysans de mieux gérer la production et les comptes, notamment grâce à la transcription de la pesée de l’«or blanc».

    L’écriture comme outil de confidentialité donc, mais aussi comme outil de comptabilité et de développement.

    Avec la participation de Aïssatou Mbodj-Pouye, anthropologue et autrice de «Le fil de l'écrit. Une anthropologie de l'alphabétisation au Mali» (ENS Éditions).

    **************************************************

    Elgas : Bien sûr, les événements comme les états civils d'une certaine manière, les périodes importantes de la vie (baptême, naissance, mariage), sont régulièrement notés. Mais j'aimerais que vous nous décriviez une scène importante, c'est la pesée du coton, un temps fort de l'écriture. Pour quelles raisons ?

    Aïssatou Mbodj-Pouye : C'est un moment qui est lié à l'encadrement agricole, et c'est un moment crucial pour les producteurs de coton puisqu'une partie de leurs revenus annuels dépend du poids du coton qui est pesé et des calculs qui sont faits. Donc c'est un moment qui m'a intéressée par l'attention qu'y prêtaient les différents acteurs. Et ça me permet de revenir à mon idée initiale autour des pratiques de l'écrit et de l'importance d'y associer les personnes qui n'ont pas de compétences à l'écrit, puisqu'on pouvait voir des personnes très soucieuses de ce qui se jouait à ce moment-là se faire par exemple, remettre un bout de papier sur lequel figurait un chiffre, un document qu'ils pouvaient conserver, et puis plus tard, au moment où ils allaient être payés, qui pouvait leur servir de contrôle.

    Voir plus Voir moins
    39 min
  • Les plumes de la Révolution : archives littéraires de la Guinée de Sékou Touré
    Oct 31 2025

    En 1958, Sékou Touré s’oppose au général De Gaulle. L’ancien syndicaliste mène la fronde anticoloniale et son pays, la Guinée, embrasse la liberté. Les Français partent. Il devient un héros national et continental, le pays attire les convoitises, on s’y presse pour participer à l’élan. Mais au pouvoir, Ahmed Sékou Touré changera, vite, de héros à tyran. Sous son règne, un trésor pour les chercheurs, les archives de la Révolution : textes, littératures d’Etat, journaux… Il faut éduquer le peuple.

    Avec la participation de Elara Bertho, agrégée en Lettres modernes, chargée de recherches au CNRS, au sein du Laboratoire Les Afriques dans le monde, autrice de «Conakry. Une utopie panafricaine - Récits et contre-récits 1958-1984» (éd. CNRS).

    ********************************************************

    Elgas : Avant la révolution, les écrits sont là pour dire le désir de libération. La presse et les revues sont l'épicentre du bouillonnement intellectuel où les aspirants écrivains, journalistes, activistes font leurs classes. L'écrit est une arme anticoloniale et il sera décisif dans la marche pour l'indépendance, même si toute la production reste liée à l'Empire. C'est dans ce contexte que vous nous replongez, vous ressortez des tiroirs poussiéreux des trésors de cette période. Qu'est-ce qui explique ce foisonnement d'écrits et pourriez-vous nous faire la cartographie de ces années 50 ?

    Elara Bertho : Je repars des années qui précèdent l'indépendance, on a tous en tête que Ahmed Sékou Touré aurait été un homme seul. En réalité, il fait partie d'une constellation de journalistes ou de jeunes qui commencent à prendre la plume à l'intérieur de la presse coloniale publiée en Guinée. Et ils revendiquent les mêmes droits et les mêmes devoirs dans une possibilité d'une union française. En réalité, ils ne demandent pas tout de suite l'indépendance. Ils commencent à demander les mêmes droits et les mêmes devoirs dans ce qui pourrait être appelé une logique d'assimilation. Et l'un d'entre eux, par exemple, Mamadou Traoré, qui prendra que le nom de plume de Ray Autra, a une plume absolument délicieuse. En faisant des jeux de mots, en dénonçant comment la colonisation au quotidien dysfonctionne. Ces petites pépites satiristes vont parsemer la presse coloniale. Et plus tard, il va demander beaucoup plus frontalement que la France soit mise face à ses responsabilités, c'est-à-dire qu'elle assume ce discours civilisationnel qu'elle promet par ailleurs.

    Voir plus Voir moins
    39 min
  • L’uranium du Congo et la naissance de l’ère atomique
    Oct 24 2025

    La mémoire du continent vous plonge au cœur de la Seconde Guerre mondiale dont l’apogée sera le largage de deux bombes atomiques sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki. Ce que l’on sait moins, c’est que pour fabriquer ces bombes, l’Afrique sera mise à contribution, puisque l’uranium nécessaire à leur production sera extrait de la mine de Shinkolobwe, au Katanga, en République démocratique du Congo. Retour sur la rencontre entre l’histoire de l’atome et l’histoire coloniale.

    Avec la participation de l’écrivain congolais Blaise Ndala, auteur de « L’équation avant la nuit » (éd. Lattès).

    ******************************

    Elgas : On voit qu'il existe des sites un peu partout dans le monde. Mais ce qui fait l'unicité de l'uranium du Katanga, c'est sa qualité...

    Blaise Ndala : Oui c'est sa grande qualité. Les États-Unis ne sont pas dépourvus totalement d'uranium. Ils en ont, mais en qualité pauvre. Einstein le mentionne d'ailleurs dans une lettre. Il dit que le meilleur uranium, «c'est celui que vous trouverez au Katanga». Donc à partir de là, les Américains se rendent compte qu'il va falloir se rattraper et donc ils recherchent le patron de l'Union minière pour prendre langue avec lui. Et après, ils comprennent qu'en fait, s'ils veulent mener un projet aussi gigantesque que celui-là et rattraper les douze mois de retard qui les séparent du programme que mène Heisenberg, il faut qu'ils aillent à la source, donc qu'ils fassent le déplacement vers le Katanga et qu'ils exploitent directement la mine et fassent revenir ce qu'il faut en tirer aux États-Unis.

    Voir plus Voir moins
    39 min