La France va devenir le 148ème pays à reconnaître l'État de Palestine, a annoncé jeudi 24 juillet le président Emmanuel Macron. Une reconnaissance effective en septembre prochain, selon le chef de l'État français, qui a notamment demandé en échange des contreparties démocratiques à l'Autorité palestinienne. Israël et les États-Unis ont rejeté la décision. Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités, président d'honneur de l'Institut de recherche et d'études sur la Méditerranée Moyen-Orient, et également, coauteur du livre Atlas du Moyen-Orient aux éditions Autrement, en parle. RFI : Jean-Paul Chagnollaud, on entend le scepticisme de ces Palestiniens qui ne sont pas convaincus par la portée de cette décision du président français. Est-ce que vous partagez ce scepticisme quant aux retombées de cette annonce d'Emmanuel Macron ? Jean-Paul Chagnollaud : Non, je ne le partage pas parce que je crois que c'est une manière de prendre position très fortement par rapport à ce qui se passe aussi à Gaza et sur cette situation qui est au-delà du tragique. C'est vraiment quelque chose d'absolument inédit en Europe depuis. Même ce qui s'est passé dans l’ex-Yougoslavie n'avait pas cette dimension tragique avec l'utilisation de la famine comme arme de guerre. Donc, je pense que c'est une manière de rappeler le droit international et il est en ce moment, d'ailleurs d'un point de vue global, mondialement avec les États-Unis en particulier, le droit international est piétiné. Et donc je crois que c'est vraiment très important que cela se fasse. C'est-à-dire qu'on rappelle le droit international, les résolutions du Conseil de sécurité qui disent qu'il faut deux États et par conséquent que la France reconnaisse l’État de Palestine. Je pense qu'elle aurait dû le faire il y a bien longtemps. Il faut rappeler que le Parlement français, le Sénat, l'Assemblée nationale avaient voté des résolutions, il y a plus de 10 ans. C'est en 2014 pour demander à l'exécutif de le faire. Il ne l'avait pas fait. C'était François Hollande à l'époque. Donc, on a beaucoup tardé, mais je crois que c'est important. Et puis, pour situer l'important de tout cela, c'est que le monde entier qui a reconnu l'État de Palestine, moins l'Occident. Sous réserve de quelques pays comme l'Espagne comme l'Irlande, la Slovénie ou la Suède qui l'ont fait il y a quelque temps. Donc cela veut dire que l'Occident bouge. Et c'est vraiment très important. La France occupe une place centrale par rapport à ça. Ça pose justement la question, Jean-Paul Chagnollaud. Est-ce que la France peut entraîner ses partenaires occidentaux dans cette reconnaissance d'un État de Palestine ? On pense notamment à l'Allemagne ou encore au Royaume-Uni. Écoutez, je crois qu'effectivement cette idée de reconnaissance de l'État, vous savez, elle était en gestation depuis des semaines et des semaines, on va dire des mois. Et ça devait aboutir à la conférence de New York qui devait avoir lieu au mois de juin et on sait qu'elle avait été finalement différée, reportée en raison de la guerre entre Israël et l'Iran. Donc à ce moment-là, la diplomatie française essayait d'avoir d'autres acteurs. On pensait au Canada, on pensait à la Grande-Bretagne. Et aujourd'hui, tout ceci est sans doute sur la table. Alors je ne sais pas aujourd'hui où en sont les discussions avec d'autres États, mais il était clair que la France voulait pouvoir entraîner, pas simplement des Européens, mais aussi d'autres pays qui, comme le Canada, qui ne l'avaient pas fait. Vous citez la Grande-Bretagne, c'est une possibilité. L'Allemagne, j'en doute fort parce que l'Allemagne est historiquement tétanisée par le poids de sa culpabilité par rapport à la Shoah. Donc l'Allemagne n'a guère de moyens de bouger. J'imagine mal l'Allemagne le faire. Mais enfin aujourd'hui tout est possible. Ça m'étonnerait quand même fortement que l'Allemagne bouge dans cette direction-là. Mais en tout cas, c'est fondamental à mes yeux que la France l’ait fait. Et je répète, c'est malgré tout un grand pays en Europe et en Occident. Et ça montre le chemin du retour au droit. Parce que nous sommes tout de même dans un monde qui piétine le droit international dans des conditions terribles. Trump le fait tous les jours. Et les Israéliens sont au-delà de la violation. Et ça pose la question malgré tout, Jean-Paul Chagnollaud. De quoi on parle aujourd'hui quand on parle d'un État palestinien ? D'un côté, on a une bande de Gaza ravagée, vous l'avez dit, par 21 mois de guerre. De l’autre, une Cisjordanie qui fait face à une accélération de la colonisation israélienne. La Knesset a voté cette semaine en faveur d'un appel à annexer complètement le territoire palestinien. La Palestine aujourd'hui divisée territorialement, divisée politiquement aussi. Comment on en fait actuellement un État de cette Palestine...
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