Épisodes

  • Guinée: sous Mamadi Doumbouya, les principaux médias audiovisuels privés sont fermés et les acteurs menacés
    Dec 13 2025
    En Guinée, la présidentielle est prévue pour le 28 décembre. Après avoir renversé Alpha Condé il y a quatre ans, le 5 septembre 2021, le général Mamadi Doumbouya, qui assure la présidence de la transition, est candidat en indépendant. Avec la disqualification des principaux partis d’opposition, le chef de la junte du CNRD est vu comme le grand favori de ce scrutin. Depuis son arrivée au pouvoir, la majeure partie des voix critiques et d’opposition sont soit en prison, soit en exil, sans compter les enlèvements en série de politiciens, magistrats ou militants pro-démocratie. Dans ce contexte, la presse guinéenne a été particulièrement touchée, surtout depuis la fermeture totale des principaux médias audiovisuels privés l’an dernier. C’est dans une discrète rue du sud de Paris que se trouve la Maison des journalistes, structure associative qui accueille, soutient et accompagne des reporters du monde entier persécutés dans leur pays d’origine. Le Guinéen, Abdoulaye Oumou Wow, 35 ans, fréquente les lieux depuis l’an dernier. « C'est vrai que je suis journaliste, mais je suis également activiste de la société civile et des défenseurs des droits de l'Homme. J'étais secrétaire générale de l'Association des blogueurs de Guinée, qui regroupe des journalistes indépendants, mais aussi des blogueurs guinéens vivant en Guinée un peu partout dans le monde. Et dans ce cadre, j'ai milité dans le Front national pour la défense de la Constitution dont je suis l'un des membres fondateurs. » « J'étais activement recherché et mon domicile a été même attaqué » C’est le FNDC, issu de la société civile, qui a fragilisé le pouvoir du président Alpha Condé en mobilisant des centaines de milliers de manifestants contre son troisième mandat illégal avant sa chute par celui-là même qu’il avait parachuté à la tête des Forces spéciales : un certain colonel Mamadi Doumbouya. Mais la lune de miel entre le FNDC et la nouvelle junte du CNRD tourne court. « En 2022, je n'avais plus la possibilité de rester parce que beaucoup de mes camarades ont été arrêtés. J'étais activement recherché et mon domicile a été même attaqué deux semaines après le baptême de ma seconde fille. Donc, j'étais dans l'obligation de quitter le pays et j'ai quitté le pays pour le Sénégal fin 2022. Je suis arrivé en France en 2023. » « Quand l'État veut te faire taire, il te fera taire » Dans son exil parisien, Abdoulaye Oumou Sow poursuit son métier de journaliste et fonde le site d’information militant Kouma Media - « la parole » en langue bambara. Tous n’auront pas cette chance. L’année suivante, ses camarades Foniké Menguè et Billo Bah sont enlevés à leur domicile sous les yeux de leurs épouses et de leurs voisins qui attestent que les ravisseurs sont des gendarmes. Pour la presse en Guinée, le coup de grâce viendra en mai 2024 lorsque le ministre de l’Information décide de fermer totalement les radios et télévisions privées nationales pour « non-respect du cahier des charges », mettant 700 personnes au chômage dans un climat d’« agressions, arrestations et menaces » permanentes, dénonce RSF. Triste ironie : c’est Fanah Soumah, présentateur vedette du JT fraîchement nommé ministre, qui justifie sa décision devant des journalistes à Nzérékoré. « Moi-même, je suis allé dans plusieurs médias. Ce sont mes petits, ce sont mes amis, les patrons des médias. Avec certains, on a même fait ensemble La Mecque pendant deux semaines pour leur dire de faire attention. Nous ne sommes pas des extraterrestres, nous ne pouvons pas affronter l'État. On n'est pas plus puissant que l'État. Quand l'État veut te faire taire, il te fera taire. Tu ne peux rien. » À lire aussiGuinée: un an après leur fermeture, la situation des médias reste inquiétante Les attaques contre la presse se multiplient Depuis, les attaques contre la presse se multiplient. Il y a deux mois, le journaliste en exil Babila Keita annonçait le kidnapping aux aurores de son père qui se préparait pour la mosquée. « C'est moi qu'ils veulent avoir. Ils n'ont qu'à laisser mon père. Je rentre à Conakry, mais que je sois informé que mon père a retrouvé sa famille. » Et, voilà un an que son confrère Habib Marouane Camara est porté disparu, enlevé lui aussi par des gendarmes selon les témoins. À lire aussiForum sur l'avenir de la presse en Guinée: statu quo concernant l'interdiction des 3 grands groupes audiovisuels
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  • Turquie: le journaliste Fatih Altayli condamné à quatre ans de prison pour «menace» envers Erdogan
    Dec 6 2025

    En Turquie, le journaliste Fatih Altayli a été condamné, le 26 novembre dernier, à quatre ans et deux mois de prison pour « menace » envers le président Recep Tayyip Erdogan. Ce commentateur très populaire sur les réseaux sociaux avait été arrêté et écroué en juin dernier pour avoir fait référence aux sultans qu’on assassinait sous l'empire ottoman lorsqu’ils ne plaisaient pas à la population. Cette phrase n’a visiblement pas plu aux autorités, dans un des pires pays pour la liberté de la presse.

    Un fauteuil vide, avec ce simple mot « Adalet », « Justice » en turc, apparait sur ses réseaux sociaux. C’est de ce fauteuil que Fatih Altayli menait ses interviews pour sa chaine YouTube suivie par 1,7 million d’abonnés. Même en prison, le célèbre journaliste a continué son métier, jusqu’à très récemment, selon Erol Onderoglu, représentant de Reporters sans frontières en Turquie. « Pendant les cinq premiers mois de sa détention, il parvenait à réaliser dans des circonstances carcérales ses émissions, puisqu'il arrivait à retransmettre des extraits d'interviews qu'il avait pu réaliser avec le maire métropolitain d'Istanbul, Imamoglu, qui occupe la même prison de Silivri Marmara, en périphérie nord d'Istanbul. Non seulement son équipe est restée extrêmement solidaire avec Altayli, mais des dizaines de journalistes ont pris le relais en occupant ce fauteuil, cette chaise de Monsieur Altayli en son absence et en faisant en sorte que son émission reste opérationnelle en faveur de l'opinion publique ».

    Une référence historique interprétée comme une menace

    Depuis sa condamnation le 26 novembre à quatre ans et deux mois de prison, Fatih Altayli s’est tu. Il a fait appel de la décision de justice et prépare sa défense. Le 22 juin, le journaliste, une des plus populaires de Turquie est arrêté après la diffusion d’une émission dans laquelle il fait une référence historique aux sultans ottomans qu’on éliminait lorsqu’ils n’étaient pas appréciés. Une référence considérée comme une menace contre le président Erdogan. Une phrase sortie de son contexte, se défend Fatih Altayli. « En 40 ans d’exercice professionnel je n’ai jamais menacé qui que ce soit », dit-il devant les juges

    Une sentence « d’une sévérité rare »

    Pour Erol Onderoglu, la sentence prononcée contre Fatih Altayli est d’une sévérité rare. Elle a pour but de museler le peu de voix libres qu’il reste en Turquie. « Ces dix dernières années, pour motif de réforme judiciaire, la hiérarchie judiciaire a été soumise au contrôle du gouvernement sous cette présidence dite "d'hyper-présidence". Et bien aujourd'hui, nous assistons à des condamnations scandaleuses. Monsieur Fatih Altayli incarne le symbole des journalistes critiques. C'est aussi une manière assez efficace pour intimider l'opinion publique, républicaine ou contestatrice ».

    Vingt journalistes ont été emprisonnés en Turquie en 2025. Parallèlement à une vague de répression contre l’opposition politique. Dans le classement de Reporters sans frontières, la Turquie figure à la 159e place sur 180.

    À lire aussiTurquie: le journaliste Fatih Altayli arrêté et écroué pour «menace» envers le président Erdogan

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  • Blackout en Tanzanie : quand l’info disparaît des écrans
    Nov 29 2025

    En Tanzanie, les violences post-électorales ont laissé des dizaines de familles sans nouvelles de leurs proches. Mais dans les médias du pays, presque rien : pas d’images, pas de chiffres et toujours aucun bilan officiel trois semaines après le scrutin. Entre coupures d’internet, pressions juridiques et autocensure, un véritable blackout s’est installé dans les rédactions au point que le travail d’enquête repose désormais sur les défenseurs des droits humains.

    À lire aussiViolences post-électorales en Tanzanie: plus d’une centaine de jeunes ont été libérés

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  • Jambo Radio, un média communautaire de République démocratique du Congo primé à la COP30
    Nov 23 2025

    Jambo Radio, un média communautaire de République démocratique du Congo a reçu le prix « Genre et solutions » à la COP30 qui joue les prolongations au Brésil. Cette année, l’ONG féministe WECF – Women engage for a common future -- , récompense ce média qui vise à informer des populations qui ont parfois un accès limité à l’information. Manque de moyens, menaces… Joseph Tsongo, co-fondateur de Jambo Radio, raconte à RFI le chemin pavé de difficultés de ce média mis en ligne en 2022.

    Exploitation du pétrole, de ressources minières, changement climatique… Les podcasts de Jambo Radio sont spécialisés dans l’information environnementale. Une évidence pour Joseph Tsongo, co-fondateur du média en ligne :

    « C'est déjà ça le nœud de tous les problèmes aujourd'hui. Des problèmes de conflits armés dans notre région, tous ces effets des changements climatiques, les inondations, les sécheresses, tout ça ! Nous sommes une population d'environ 89% rurale. Nous mangeons, nous devons produire, les enjeux environnementaux, climatiques, c'est toute la vie... »

    Le public visé ? En particulier, les jeunes et les femmes

    « Malheureusement, elle est toujours laissée pour compte, elle est moins informée. »

    Joseph Tsongo ne se définit pas comme journaliste, mais comme organisateur communautaire, militant et podcasteur. La mission de Jambo Radio, c’est d’apporter l’information dans des communautés rurales, là où elle est difficile d’accès. Les émissions y sont parfois envoyées physiquement sur des cartes mémoires : « Ils n'ont besoin d'Internet, ils n'ont pas besoin d'ordinateurs ».

    Au-delà de ces émissions, le Jambo Lab propose un système d’alerte météo par SMS. Pour parler au plus grand monde, le média produit du contenu en Swahili, en Lingala et en français. Et pour apporter l’information au plus près : des débats sont organisés dans des « clubs d’auditeurs ». « Nous conduisons les débats, nous pouvons amener le spécialiste en personne pour répondre aux questions, au carrément, nous en savons un peu plus, qu'est-ce que nous avons mis dans le podcast, nous pouvons essayer d'orienter le débat, de répondre à certaines questions ».

    Parmi les thèmes chers à Joseph Tsongo : l’impact de la transition dite verte sur l’environnement et les populations locales, du fait de la course à certains minerais comme le cobalt.

    Mais en mars dernier, il est parti de Goma pour s’exiler quelques mois à l’étranger. Et le conflit dans l’est de la RDC n’explique pas tout : « Je soulève très souvent les questions de justice sociale, environnementale, et donc, je suis menacé, je dois fuir... »

    Ces menaces n’étaient pas les premières

    « En 2022 ils sont venus chez-moi, ils ont vandalisé la maison, ils sont entrés, moi, je me suis caché au plafond. Ils sont pris mon ordinateur, ma carte bancaire, mon passeport, tout ça ! Après, ils ont piraté mon compte WhatsApp. Cela vient vient de ceux qui tirent profit de toute l'exploitation ».

    Pas tous les jours et surtout pas depuis six mois. Conséquence entre autres de son exil. Même si Joseph Tsongo considère qu’il suffit de peu et ne se met pas la pression, la petite équipe doit aussi composer avec de tout petits moyens. Les 5000 euros du prix donneront un peu d’air à Jambo Radio.

    L'Histoire de Jambo Radio est à retrouver dans un article plus complet de Géraud Bosman sur notre site internet : www.rfi.fr

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  • Ghana: Erastus Asare Donkor informe sur les mines d'or illégales pour sauver les générations à venir
    Nov 15 2025

    À la mi-temps de la trentième conférence des Nations unies sur le climat, qui se tient au Brésil, la société civile manifeste, ce samedi 15 novembre, à Belém. Un retour de la traditionnelle marche après plusieurs années d'absence faute d'autorisation dans les pays organisateurs. Militer pour les droits de l'environnement est parfois dangereux. Informer sur ce sujet peut l'être tout autant, comme l'illustre le cas d'Erastus Asare Donkor. Journaliste d'investigation au Ghana, il travaille pour The Multimedia group, une compagnie qui possède des stations radio et des chaînes de télévision.

    Erastus Asare Donkor s'est spécialisé dans les documentaires sur les mines d'or illégales : leurs effets sur l'eau, les forêts et la vie des populations locales. Et c'est ce qui lui vaut des pressions et des menaces.

    « Je couvre un domaine sensible, comme l’extraction illégale de l’or au Ghana. C'est un secteur qui pèse plusieurs milliards de dollars. Des personnes très riches et puissantes à tous les niveaux sont liées à ce secteur. Cela implique aussi beaucoup de corruption. Et donc ce que nous faisons est risqué », explique le journaliste.

    Un de ses documentaires, tourné en 2021 pour JoyNews a failli ne pas voir le jour. Alors qu'il couvre l'action d'une force liée au ministère de l'Environnement sur une mine illégale, des hommes armés interviennent. Il raconte : « Mon équipe et moi, avons été détenus pendant cinq heures par des militaires protégeant des mineurs qui saccageaient l’une des principales forêts du Ghana. Nous avons été fouillés. Les images de nos caméras ont été effacées. Mon chauffeur a été agressé physiquement ».

    Il n'y a pas qu'en tournage qu'Erastus Asare Donkor est en danger. Lui et son entourage, parfois lointain, font l'objet de menaces.

    « Quelqu’un qui commente mes publications sur Facebook et qui porte le même nom de famille, a reçu un message. Il disait que peut-être, il pourrait ne pas m’avoir, moi Erastus, mais qu'il me livrerait son corps décapité pour me servir de leçon. Deux semaines après avoir signalé ça aux agences de sécurité, ce monsieur a été poignardé sous les côtes par deux hommes. Heureusement, il a survécu », se désole Erastus Asare Donkor.

    Prendre des précautions face au danger

    « Mon entreprise a pris un certain nombre de mesures. Des caméras de vidéosurveillance ont été installées dans ma résidence. Ils ont aussi dû trouver une maison sûre pour moi et ma famille pour un temps. J’ai aussi dû changer de véhicule », déclare le reporter.

    Le journaliste de 49 ans est parti trois mois à l'étranger avec l'aide de Reporters sans frontière (RSF). Pas de quoi effacer la pression à son retour.

    « C’est encore frais dans ma tête. C’est quelque chose qui vous fixe des limites. Cela vous amène à vous auto-censurer. Ces jours-ci, je dois employer d’autres personnes pour faire le tournage sur le terrain à ma place », nous confie-t-il.

    Pour l'instant, Erastus Asare Donkor ne souhaite pas changer de spécialité. Il est essentiel pour lui d'informer sur ce qui se passe dans le pays, car « Au Ghana, 65 % de nos plans d’eau sont fortement pollués par des métaux lourds. 44 des 288 réserves forestières sont attaquées par des mineurs illégaux. Selon les recherches d'une agence pour la protection de l’environnement, les métaux lourds s’infiltrent dans notre chaîne alimentaire ».

    Alors son travail, il le perçoit comme un devoir pour « sauver les générations à venir ».

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  • Zehra Kurtay, journaliste turque menacée d'OQTF, en grève de la faim pour obtenir l'asile politique
    Nov 8 2025

    Arrivée en France il y a 18 ans avec un statut de réfugiée politique, Zehra Kurtay est aujourd'hui menacée d'expulsion vers la Turquie. Journaliste et militante d'extrême gauche d’origine kurde, elle avait fui les persécutions du régime d’Erdogan en 2007. Aujourd'hui, la voilà pourtant visée par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cela fait plus de 100 jours que Zehra Kurtay est installée jour et nuit sous ce qu'elle appelle « une tente de la résistance » dans le quartier de Strasbourg Saint-Denis, en plein Paris. Elle a entamé une grève de la faim.

    Cette longue grève de la faim a creusé son visage, mais Zehra Kurtay offre un sourire généreux. C'est pour elle un signe de résistance. Elle vit sous une tente assez haute pour accueillir quelques camarades autour d'une tasse de thé. Quand elle est trop fatiguée, Zehra s'assoit dans un fauteuil roulant. « J'ai des difficultés à marcher, à parler. Je ne peux pas dormir bien à cause de ça. Je suis fatiguée », dit-elle. Réfugiée en France depuis 2007, l'opposante au régime d'Erdogan était journaliste en Turquie. Elle sera arrêtée et emprisonnée à plusieurs reprises. « Je suis dans la prison à cause de mes idées, à cause de mes écrits ».

    Considérée comme une terroriste, en 2000, Zehra Kurtay est incarcérée à la prison d'Ümraniye avec d'autres prisonniers politiques turcs. « On était côte à côte, on était tous ensemble. On avait le collectivisme, tous mes camarades. C'était super. C'était une école pour moi », raconte-t-elle. En signe de protestation, Zehra Kurtay et ses camarades entament alors une longue grève de la faim. Libérée au vu de son état de santé, la militante fuit vers la France et obtient le statut de refugiée politique.

    « Je veux être symbole de résistance »

    En 2012, elle est condamnée à cinq ans de prison pour son engagement politique passé. « Selon la France, je suis une terroriste. Je suis dangereuse. J'étais à Fleury-Mérogis. J'étais dans la cellule, toute seule. La cellule, c'était neuf mètres carrés. J'étais isolée. Il y avait la torture psychologiquement ». En 2021, elle découvre que son statut de refugiée politique lui a été retiré sans notification. Après une garde à vue et un placement en centre de rétention, la journaliste de 53 ans, est aujourd'hui visée par une obligation de quitter le territoire français. « J'ai décidé, pour protéger mes droits de papiers pour obtenir l'asile politique, j'ai commencé la grève de la faim pour obtenir l'asile politique ».

    Si elle retourne en Turquie, Zehra Kurtay s'expose selon ses dires à « la prison, la torture, la menace... ». La militante d'extrême gauche poursuit inlassablement sa grève de la faim. « J'ai résisté. Ça donne l'espoir de résister, ça donne la force. Je suis très heureuse parce que je résiste. Je veux être symbole de résistance ».

    Zehra Kurtay s'essuie le visage avec les mains pour reprendre un peu d'énergie, celle de continuer à se battre pour obtenir la protection de la France. Ces dernières années, plusieurs militants et militantes politiques kurdes, parfois réfugiés de longue date, ont reçu des OQTF ou ont été placés en centre de rétention.

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  • Au Soudan, des journalistes à l'épreuve du danger permanent
    Nov 1 2025
    Depuis le début de la guerre au Soudan, les paramilitaires des FSR, qui dominaient de larges parties de la capitale Khartoum, ont visé les bâtiments de la presse. Ils ont occupé le bâtiment de la Radio-télévision et détruit plusieurs bureaux de quotidiens. Ils ont pourchassé les journalistes dont la majorité a fui le pays. Avec la prise d’el Facher le 26 octobre par les FSR qui ont commis des massacres à l’encontre de cette ville assiégée et affamée, plusieurs journalistes ont disparu et seraient détenus par ces paramilitaires. Mouamar Ibrahim, qui travaillait pour la chaine al Jazeera est apparu dans une vidéo le montrant aux mains des FSR alors qu'il tentait de quitter la ville. Un autre, Mohamad Suleiman Chuaib, est arrivé jeudi dernier au camp de Tawila près d'el Facher, blessé et dans un état très grave. Le destin de trois autres journalistes reste inconnu. Les journalistes soudanais s'activent pour tenter de sauver la vie de leurs collègues restés dans el Facher assiégée et dont le destin est aujourd'hui inconnu. Naji al-Karachabi : « Nos confrères ont lancé sur les réseaux sociaux un Hashtag pour rechercher les journalistes disparus à el Facher, mais leurs recherches restent vaines. Je viens de lire un message du journaliste Abou Bakr Mukhtar, lui-même originaire du Darfour, il explique être contraint de visionner toutes les vidéos des atrocités commises par les milices des Forces de soutien rapide afin de tenter de retrouver ses collègues parmi les morts ou les blessés. À El Facher, chaque personne est une cible directe pour les FSR [Forces de soutien rapide, les paramilitaires qui s'opposent à l'armée régulière, NDLR], qui ne font aucune distinction entre citoyen ordinaire, journaliste ou malade, ni entre tribu, ou ethnie et ni entre religion ou affiliation politique. À leurs yeux, tous les Soudanais sont loyaux à l'armée. » Le syndicat national multiplie l'effort de libération Le bureau du Syndicat national des journalistes soudanais multiplie les efforts pour libérer les journalistes d'el Facher. « Le Syndicat des journalistes soudanais fournit de grands efforts pour libérer le journaliste Mouammar Ibrahim et ses quatre autres collègues disparus, a annoncé Taher el Moatassem, membre de ce bureau. Nous avons contacté les organisations internationales pour la liberté de la presse pour qu’elles rentrent en contact avec les FSR et les appeler à les libérer. À notre niveau, nous avons constitué une cellule d’urgence pour suivre les développements. » À lire aussiSoudan: après les exactions à El-Fasher, les FSR arrêtent un seul de leurs membres Les proches de Naji al Karachabi visés par les attaques ciblées des FSR Naji al Karachabi travaille pour la télévision et a un programme quotidien sur le Soudan, mais il est basé à l'étranger. Ce sont ses proches qui ont été inquiétés par les FSR : ces paramilitaires ont brûlé plusieurs de leurs maisons dans les zones qu’elles dominent. Pourquoi les milices des Forces de soutien rapide ciblent-elles les journalistes de cette manière, alors qu'elles filment elles-mêmes des vidéos dans lesquelles elles tuent des gens et violent le droit humanitaire et international ? Cherchent-elles à transmettre des messages spécifiques aux journalistes, et s'opposent-elles à ce qu'ils relatent des faits les accablant ? Aucune explication n'est disponible, étant donné qu'elles diffusent elles-mêmes les images de leurs exactions contre les civils dans de nombreuses régions du Soudan. « La première victime de la guerre est la vérité » Taher el-Moatassem, a lui, sa petite idée sur la question : « Il est certain que la première victime de la guerre est la vérité. Ceux qui pratiquent le journalisme sont des chercheurs de vérités, c’est pour cela qu’ils sont dans les premiers sacrifiés parmi les civils. Parce que la vérité est la première cible visée. Chaque partie de la lutte essaie d’avancer son récit du conflit, alors qu’un journaliste professionnel va effectuer son travail. Il montre la vérité. C’est pour cela que les journalistes sont visés au Soudan où ailleurs dans le monde, là où il y a des conflits. » Depuis le début de la guerre au Soudan, 32 journalistes ont été tués et nombreux sont ceux qui ont subi des exactions qui ont touché également leurs proches. À lire aussiSoudan: les exactions sur les civils «se multiplient» après la prise d'El-Fasher par les FSR
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  • Au Salvador, l'exil des journalistes s'accélère
    Oct 25 2025
    Au cours des six premiers mois de l'année, 43 journalistes ont quitté le pays d'après un décompte de l'Apes, l'association des journalistes du Salvador qui, elle aussi, a décidé de s'en aller. Elle l'a annoncé au début du mois d'octobre. C'est le dernier épisode d'une relation plus que houleuse entre les autorités du Salvador et les voix qui critiquent le très populaire président Nayib Bukele. Au Salvador, ces derniers mois, un cap a été franchi. Dans un rapport, l'Association des journalistes du Salvador (Apes) déclarait début octobre avoir recensé ces départs de journalistes entre le mois de janvier et le 9 juin 2025. « Les journalistes qui ont quitté le pays appartiennent, pour la plupart, à des médias indépendants et/ou numériques, qui sont restés critiques et rigoureux à l'égard du gouvernement actuel », a précisé l'Apes. En mai dernier, l'avocate Ruth Lopez spécialiste de la corruption au sein de l'ONG Cristosal était arrêtée. Quelques jours plus tard, une loi sur les agents étrangers est adoptée. Comme en Russie, les organisations, comme les médias indépendants, doivent payer une taxe de 30 % sur les fonds reçus de l'étranger. Circule également une rumeur selon laquelle le pouvoir aurait établi une liste noire de journalistes susceptibles d'être envoyés en prison. Jorge Beltrán Luna quitte alors son pays du jour au lendemain : « J'ai 55 ans, presque 56, et je dois recommencer ma vie à zéro. En ce moment, je suis en train de faire ma demande d'asile. On ne peut pas me renvoyer au Salvador. Mais pour l'instant, je ne peux pas travailler, ni conduire, ni ouvrir un compte en banque. Ce sera comme ça pendant plusieurs mois. Mais au moins, je suis en sécurité et j'ai recommencé à faire du journalisme avec ma chaîne YouTube. » Le départ a été très douloureux aussi pour Eric Lemus, journaliste d'investigation, qui s'est réfugié au début de l'année aux États-Unis : « Le plus difficile, c'est que ma mère qui a 90 ans, n'a pas pu venir avec nous. Alors, on s'est dit adieu. Elle m'a dit : 'Ne reviens pas. J'ai 90 ans. Je pense que nous ne nous reverrons jamais'. Et ça, ça a été vraiment dur ! C'est sûr, je ne retournerai jamais au Salvador. La situation est irréversible. Plus qu'une dictature, c'est une dynastie qui est en train de s'installer. La famille Bukele n'a aucune raison d'abandonner le pouvoir. Ils contrôlent l'armée, le pouvoir judiciaire, le parquet, l'Assemblée nationale... Ils ne vont donc pas rester au pouvoir cinq ans de plus, mais sans doute vingt ans ». À lire aussiLe Salvador permet au président Nayib Bukele de se représenter indéfiniment À l'Université de Notre-Dame, dans l'Indiana, qui l'accueille, Eric Lemus travaille à la création d'un Observatoire de la corruption. Jorge Beltran Luna, lui, continue de couvrir à distance l'actualité de son pays : « Au Salvador, les médias ont été décimés. Il ne reste quasiment plus de médias de communication ou de leaders d'opinions qui acceptent de s'exprimer. Ces derniers temps, j'ai constaté que plusieurs personnes qui commentaient d'habitude la situation du pays, refusent désormais de donner des interviews, car elles ont reçu des menaces. Dans mon cas, j'estime que ça vaut la peine de continuer, car je reçois toujours des informations de la part de mes sources, même en étant à l'étranger. Et puis je vois des gens qui se réveillent, qui font des vidéos de rues inondées, des quartiers pauvres. Moi, ça m'encourage à continuer à faire du journalisme ». Le Salvador occupe la 135ᵉ place sur 180 au classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Le pays a perdu 61 places au cours des cinq dernières années. À lire aussiÀ la Une: plongée dans les prisons de l'horreur au Salvador
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