Page de couverture de Chapitre 3 - 3 février 2056, 552 ppm, +2,2 °C

Chapitre 3 - 3 février 2056, 552 ppm, +2,2 °C

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À propos de cet audio

Gouvernail 602 est un livre de Marek Baari. Rendez-vous sur marekbaari.com pour retrouver le texte intégral, et pouvoir télécharger l’œuvre en de multiples formats de lecture. Licence Creative Commons CC BY-NC-ND 4.0

Ceci est le chapitre 3 du livre en version audio :

Lorsqu’il ouvrit les yeux, Hugo reprit conscience du lieu où il se trouvait. Une table en contreplaqué marron trônait au centre de la salle, deux chaises en bois et fer disposées de part et d’autre, dont une qu’il occupait. Quatre grandes dalles de LED blanches traversaient le faux plafond et jetaient dans la pièce une lumière trop vive pour être agréable. Murs blancs, une seule porte à verrou magnétique surplombée d’une caméra de surveillance braquée dans sa direction, pas de fenêtre.

Il s’était assoupi quelques instants. Cela faisait des heures qu’il était là, mais combien précisément, il l’ignorait ; on lui avait retiré sa montre et son téléphone à son arrivée. Au moins cinq, pensa-t-il. Il se leva pour se dégourdir les jambes, et s’aperçut que son genou gauche lui faisait mal. Un des flics qui l’avaient embarqué de force quelques heures plus tôt lui avait mis un coup en le ceinturant pour le faire tomber à terre. Il avait la boule au ventre, et la gorge sèche.

Il resta debout et s’étira pour soulager son dos. Son esprit était saturé de pensées. Il se revoyait, marchant dans la rue à côté de chez lui, après avoir acheté du pain. Une fourgonnette s’était arrêtée, quatre policiers en étaient sortis, l’avaient sommé de les suivre. À peine eu le temps de demander pourquoi que deux d’entre eux l’avaient saisi, plaqué à terre, menotté puis fait monter de force dans le véhicule. Sous la surprise, il n’avait même pas crié. Une fois dans la camionnette, ils lui avaient mis une housse de tissu noir sur la tête. C’est là qu’il avait compris que ce n’était pas une procédure standard. Ils avaient roulé moins d’une heure. Depuis Saint-Ouen, cela voulait dire qu’il était encore en région parisienne ou à ses abords.

Il essayait de trouver son calme en utilisant sa respiration, mais son sang était inondé de cortisol, son cerveau en ébullition. Après une dizaine de minutes, il commençait à ressentir un léger apaisement lorsque le clac de la porte qu’on déverrouille le fit sursauter. Apparut un homme d’âge mûr, proche du sien, un peu plus de cinquante ans, ce qui le rassura. Rasé de près, cheveux courts et grisonnants sous son képi, peau très claire, il portait l’uniforme de la gendarmerie. Ils se regardèrent dans les yeux. L’autre referma l’issue qui fut verrouillée derrière lui.

– Colonel Moal, gendarmerie nationale.

Hugo resta silencieux, dévisageant cette personne, scrutant ses mouvements et ses traits, à la recherche de la moindre trace d’émotion.

– Asseyez-vous, je vous prie.

Il s’exécuta. Le militaire fit de même et posa son couvre-chef sur la table.

– Vous savez pourquoi vous êtes-là ?

– Non, mais j’aimerais bien le comprendre ! Cela fait des heures qu’on m’a arrêté sans explication, qu’est-ce qui se passe ?

Il mentait, bien sûr. Il s’était préparé à l’éventualité d’une arrestation depuis si longtemps. Des années que chaque matin, en sortant de chez lui, il s’attendait à se faire embarquer. Il avait l’impression d’avoir commis tant d’erreurs, laissé tant de traces. Comment avaient-ils pu mettre tout ce temps à le trouver ? 

Moal eut un grand sourire sarcastique lui barrant le visage d’une oreille à l’autre. 

– Bien sûr que si, vous savez. 

Il s’accouda à la table en rapprochant son visage pour mieux scruter les réactions du prévenu. 

– Cela fait longtemps qu’on vous surveille. Vous êtes malin et discret, mais vous n’agissez pas seul. C’est dommage. Un humain, ça parle, vous savez. Beaucoup plus qu’un ordinateur. Cédric Vuillard, vous connaissez ? [...]
 

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