Dans Taire, l’autrice franco-iraquienne met en miroir deux jeunesses qui s’observent.
De la tragédie grecque au théâtre social : pour sa nouvelle création Taire - Mon Antigone, Tamara Al Saadi croise les destins d'Antigone, héroïne mythologique de Sophocle, qui désobéit au pouvoir royal pour enterrer son frère et de Eden, enfant née à Bordeaux placée bébé et ballotée de famille d'accueil en foyer, de foyer en famille d'accueil. L’une se tait, l’autre crie. Mais toutes deux expriment la révolte...
Dans cette pièce, on passe d'une époque à une autre, d'une histoire à une autre, du contemporain au très antique avec cette idée de lier les deux destins. Deux histoires en échos, deux personnages qui s'éclairent l'un l'autre et racontent « un endroit du silence ».
J'ai rencontré énormément d'enfants placés. J'ai découvert une crise humanitaire sur le sol français. La France n'est pas un pays qui protège l'enfance. J'ai voulu visibiliser cette enfance dont personne ne se soucie. Tout ce qui est vécu par Eden dans cette pièce, existe. C'est une pièce dédiée aux enfances volées.
La metteuse en scène a voulu faire le lien entre l'intime et le politique.
Créon, oncle d'Antigone et tyran, est aussi l'assistante sociale qui retire Eden de sa famille d'accueil pour un déménagement de quelques kilomètres. Elle nous invite à réfléchir sur la réécriture de l'histoire et fait le lien avec la tragédie de Gaza :
J'ai réécrit Antigone en écho avec la question de l'occupation israélienne. On veut faire croire au peuple de Thèbes qu'Etéocle est fils unique, que Polynice n'est jamais né sur cette terre, on réinvente une histoire comme certains réinventent l'histoire avec ce qui se passe à Gaza alors que les narrations font tout.
Tamara Al Saadi a voulu éclairer la réalité du mythe d'Œdipe « montré comme une espèce de monstre narcissique, incestueux lors qu'on lui a menti. On le responsabilise de ce qu'on lui a fait subir. C'est un héritier de la violence. Les tragédies grecques nous racontent ça ».
La figure d'Antigone est un symbole de résistance. Dans la mythologie grecque, Antigone est la fille née de l'union incestueuse d'Œdipe et de sa mère, Jocaste. Elle est aussi la sœur d'Etéocle et de Polynice qui se sont entre-tués lors de la guerre des Sept chefs. Le Roi Créon, également oncle d'Antigone, refuse une sépulture à Polynice qu'il juge responsable de cette guerre fratricide, il se veut intraitable et menace de mort quiconque transgresserait cette loi. Antigone va pourtant braver cette interdiction et sera condamnée à mort par son oncle.
Invitée : Tamara Al Saadi, autrice et metteuse en scène du spectacle Taire
Tamara Al Saadi est une autrice metteuse en scène et comédienne franco-irakienne. Née à Bagdad en 1986, sa famille s'installe en France en 1991 en pleine guerre du Golfe. Elle a fondé en 2016 la compagnie La Base avec Mayya Sanbar. Elle explore à travers son travail les questions d'identité et d'exil avec notamment les pièces Place en 2018, Brûlé.e.s et Istiqlal en 2021.
Et avec également le reportage de Fanny Imbert à la Maison Paisible, un EHPAD où un centre d'art a été créé par le metteur en scène et plasticien Mohamed El Khatib, pour faire de l'art dans des lieux « où on n'attend pas les artistes ».
Programmation musicale :
Le groupe Vipères sucrées salée avec le titre « Dumme ».