Épisodes

  • Peter Norman, le paria invisible
    Aug 28 2025
    Il n’a pas levé le poing. Il n’a pas crié. Mais, il a choisi son camp. En 1968, aux côtés de Smith et Carlos, Peter Norman offre dans cette photo l’un des gestes les plus puissants de solidarité silencieuse du XXe siècle. Il en paiera le prix. Mexico, 1968 Le monde a les yeux rivés sur les Jeux olympiques. La guerre du Vietnam s’enlise, l’Amérique se soulève pour les droits civiques, Martin Luther King vient d’être assassiné. Et sur le podium du 200 mètres, une image entre dans l’Histoire : Tommie Smith, médaillé d’or, et John Carlos, médaillé de bronze, lèvent un poing ganté de noir. Pendant l’hymne américain, leurs têtes s’inclinent, le silence devient cri. À côté d’eux, un homme reste immobile. Il ne lève pas le poing. Il ne baisse pas la tête. Il regarde droit devant lui. Cet homme, c’est Peter Norman, sprinteur australien, médaillé d’argent. Ni noir, ni américain, il ne vient pas des quartiers où l’on brûle d’injustice. Mais lui aussi refuse de détourner le regard. Sur la poitrine de son survêtement, un petit badge : Olympic Project for Human Rights. Quelques minutes avant la cérémonie, il l’a demandé à John Carlos. Sans badge, pas de signe. Sans signe, pas de parole. Peter Norman veut en être. Non par provocation, mais par solidarité. Il ne sait pas encore qu’il va tout perdre : sa carrière, ses chances aux Jeux suivants, son gagne-pain. Mais il sait aussi pourquoi il le fait. Car en Australie aussi, certains vivent sans droits, sans voix. Les Aborigènes, peuple premier, exclus de la citoyenneté, effacés des livres d’histoire. Peter Norman est blanc, mais il refuse de rester spectateur. Son geste est silencieux, presque invisible. Mais il pèse lourd. À son retour, l’Australie officielle l’efface. Ses temps de qualification pour Munich, quatre ans plus tard, ne compteront pas. On ne le sélectionnera plus jamais. Il perd son emploi, sa vie bascule. Il ne reniera jamais son choix. Pendant des années, il sera ignoré, mis à l’écart. Il faudra attendre 2006 pour que la reconnaissance revienne. Quand Peter Norman meurt, Tommie Smith et John Carlos, ses frères d’un soir et pour toujours, portent son cercueil. Comme pour rappeler au monde que sans lui, ce podium n’aurait pas eu la même force. Un homme, un badge, un silence. Et toute une histoire. Celle d’un juste, d’un allié, d’un frère resté debout aux côtés de ceux que l’on voulait faire taire. À lire aussiJO de Mexico 1968 : entre reconnaissance mondiale et appel à la démocratie Prolongez ci-dessous l’expérience avec des conseils de lectures, ainsi que les analyses et les éclairages exclusifs de l’historienne Sandrine Lemaire. Vous trouverez aussi dans les liens associés à cette présentation, l’accès à des ressources numériques complémentaires, à des archives photographiques rares et documents visuels pour mieux comprendre les enjeux politiques, sociaux et culturels autour du champion olympique. Comprendre le contexte autour de l’exclusion de Peter Norman de l’équipe olympique australienne Sandrine Lemaire est agrégée, docteure en histoire de l’Institut universitaire européen de Florence, enseignante en Classes préparatoires aux Grandes écoles au lycée Jean-Jaurès à Reims et codirectrice du Groupe de recherche Achac. Elle est coauteure de plusieurs ouvrages dont Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines, La Découverte, 2004 (avec Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch et Éric Derro) ; La Fracture coloniale, La Découverte, 2005 (avec Pascal Blanchard et Nicolas Bancel) ; L'Illusion coloniale, Tallandier, 2006 (avec Éric Deroo) ; Décolonisations françaises. La chute d’un empire, La Martinière, 2019 (avec Nicolas Bancel et Pascal Blanchard) ; et Colonisation & propagande. Le pouvoir de l'image, Le Cherche midi, 2022 (avec Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Alain Mabanckou, Dominic Thomas) ; les ouvrages collectifs Une histoire mondiale de l’olympisme, co-édition Atlande et Atlantique ; Olympisme, une autre histoire du mode, éditions de La Martinière. Les analyses de Sandrine Lemaire : Conseils de lecture - Poing Noir, de Jérôme Peyrat- Éd. Salto - Mexico 68 : trois hommes, un destin : distribution, les 3 hommes (Tommie Smith, Peter Norman, John Carlos), d'Alain Coltier – Éditions ABS - Les Aborigènes d'Australie, de Stephen Muecke et Adam Shoemaker, Trad. de l'anglais (Australie) par Josée Bégaud – Découvertes Gallimard Programmation musicale Midnight Oil – Beds Are Burning
    Voir plus Voir moins
    29 min
  • Saint-George : lame Libre, colonel Noir
    Aug 27 2025
    Né esclave en Guadeloupe, Joseph Bologne de Saint-George devient l’un des plus grands hommes du XVIIIe siècle. Musicien, escrimeur, militaire, il déjoue les lois raciales de son temps et incarne la promesse subversive des Lumières. Un destin renversant. ⇒ Joseph Bologne de Saint-George Il aurait dû disparaître dans les marges de l’Histoire Né en 1745 en Guadeloupe, fils d’une esclave africaine et d’un riche planteur français, Joseph Bologne de Saint-George n’avait, en théorie, aucun droit d’éclat dans le monde des puissants. Il naît dans une société où la couleur de peau est un mur infranchissable. Et pourtant… Très tôt, son père l’emmène à Paris. Là, l’enfant « mulâtre », comme on le dit alors avec condescendance, fait trembler les codes. À l’adolescence, il terrasse l’aristocratie dans les salles d’armes : il est agile, rapide, précis. On dit bientôt de lui qu’il est le meilleur escrimeur de France, peut-être du monde. Dans une discipline réservée à l’élite blanche, Le Chevalier Saint-George impose son style et son panache. Il devient une légende vivante. Mais il ne s’arrête pas là. Violoniste virtuose, il entre dans les cercles les plus sélects de la musique classique. Compositeur célébré, chef d’orchestre, il dirige l’un des meilleurs ensembles de Paris. Il fréquente les philosophes des Lumières, joue devant la reine Marie-Antoinette, fascine les salons. Et pourtant, jamais, il n’oublie d’où il vient À une époque où le racisme est une évidence sociale, Le Chevalier Saint-George refuse de se taire. Il milite pour l’égalité, défend les droits des hommes de couleur, combat pour l’abolition de l’esclavage. En 1792, il devient le premier colonel noir de l’armée française, à la tête d’un régiment composé de soldats « libres de couleur ». Pendant la Révolution, alors que tant de nobles fuient ou complotent, lui s’engage. Il croit à l’idéal républicain, à une France débarrassée de ses chaînes – toutes ses chaînes. Mais ses combats dérangent. Il paiera cher ses idéaux : mis à l’écart, emprisonné, effacé. Aujourd’hui encore, le nom de Saint-George reste trop souvent dans l’ombre. Il est un homme qui, en plein XVIIIe siècle, a transformé la marginalité en grandeur, la couleur en éclat, la musique en résistance. À travers lui, c’est toute une autre Histoire de France qu’on entend résonner. Une Histoire où l’on se bat, non pour exister malgré sa peau, mais pour briller grâce à elle. Une Histoire portée au cinéma qu’il est temps de redécouvrir. ⇒ Instagram Prolongez ci-dessous l’expérience avec des conseils de lectures, ainsi que les analyses et les éclairages exclusifs le dramaturge et metteur en scène Alain Foix. Vous trouverez aussi dans les liens associés à cette présentation, l’accès à des ressources numériques complémentaires, à des archives photographiques rares et documents visuels pour mieux comprendre les enjeux politiques, sociaux et culturels autour du musicien-escrimeur-militaire. Comprendre le contexte autour de l’affrontement ente le chevalier Saint-George et le chevalier d’Éon Alain Foix est un dramaturge, écrivain et metteur en scène français reconnu pour son engagement à revisiter l’histoire et les figures oubliées à travers le prisme du théâtre et de la littérature. Il a été le directeur de la scène nationale de Guadeloupe et fondé la compagnie Quai des Arts, portant une parole théâtrale ancrée dans les questions de mémoire et de diversité. Son œuvre alterne pièces historiques, fictions contemporaines et écrits biographiques, notamment sur des figures telles que Toussaint Louverture ou Aimé Césaire. Il est aussi auteur de romans, d’essais et de livres jeunesse, et intervient régulièrement dans des actions de médiation culturelle et éducative. À travers son parcours, Alain Foix défend un théâtre exigeant, ouvert sur le monde, qui interroge l’identité et la transmission des héritages culturels. Il est l’auteur de « Jesse Owens », biographie chez Folio et de « Duel d’ombres », une comédie en musique autour de la joute entre le chevalier Saint-George et le chevalier D’Éon. Les analyses d'Alain Foix : Conseils de lecture - Monsieur de Saint-George, Alain Guédé – Actes Sud - Le chevalier de Saint-George, Claude Ribbe – Tallandier - Ces Noirs qui ont fait la France : du chevalier de Saint-George à Aimé Césaire, Benoit Hopquin Programmation musicale Neg’Marrons – Un peu de temps.
    Voir plus Voir moins
    29 min
  • Wilma Rudolph, la course après la vie
    Aug 26 2025
    Polio, racisme, pauvreté : Wilma Rudolph a tout affronté, tout vaincu. Triple médaillée d’or aux JO de Rome, elle incarne la revanche éclatante d’une enfant condamnée à l’immobilité. Un destin foudroyant, une course plus grande que la gloire. ⇒ Wilma Rudolph ⇒ un destin foudroyant Elle naît prématurée, vingt-deuxième d’une fratrie de vingt-quatre enfants. Son berceau est modeste, son avenir incertain. À cinq ans, le diagnostic tombe comme un couperet : Wilma Rudolph est atteinte de poliomyélite. Dans l’Amérique ségrégationniste des années 1940, une enfant noire, pauvre, malade, a peu de chances d’échapper à l’invisibilité. Les médecins sont formels : elle ne marchera plus. Mais Wilma n’écoute pas les verdicts. Elle écoute sa mère. Et sa mère lui promet, chaque jour, qu’elle marchera de nouveau. Alors Wilma apprend, chute, se relève. Des années durant, elle porte une attelle, traverse des kilomètres pour se faire soigner dans un hôpital réservé aux Noirs. À 12 ans, elle abandonne définitivement son appareillage. Non seulement elle marche, mais elle court. Et très vite, plus rien ne peut l’arrêter. Wilma est un météore. Un éclair brun sur les pistes. À 16 ans, elle participe déjà aux Jeux olympiques de Melbourne et revient avec une médaille de bronze. Mais c’est à Rome, en 1960, que la légende s’écrit. Dans un monde encore fracturé par la guerre froide, les luttes raciales et l’oppression des femmes, elle triomphe. Trois courses, trois médailles d’or : 100 mètres, 200 mètres, relais 4x100. Elle devient la première femme américaine à réaliser un tel exploit. Elle court avec grâce, foudroyante, comme si elle ne touchait plus terre. Mais Wilma Rudolph, c’est bien plus que des médailles. Elle est une image de puissance noire dans une Amérique encore marquée par la ségrégation. Lorsqu’elle revient à Clarksville, sa ville natale du Tennessee, elle impose que la cérémonie en son honneur soit intégralement non ségréguée. Une première. Son triomphe devient politique. Elle raccroche ses pointes à seulement 22 ans, pour devenir enseignante, militante, mère. Et elle continue de courir – dans les esprits, dans les mémoires, sur les traces de celles et ceux qu’elle inspire. Car Wilma Rudolph a changé la trajectoire de l’impossible. Elle n’a pas simplement gagné contre la maladie. Elle a battu les préjugés, les murs sociaux, les frontières du genre et de la race. À l’heure où le sport s’interroge sur son rôle dans la société, son parcours résonne avec force. Wilma n’a pas seulement couru plus vite que les autres. Elle a couru pour toutes celles qu’on croyait condamnées à rester au bord de la piste. Prolongez ci-dessous l’expérience avec des conseils de lectures, ainsi que les analyses et les éclairages exclusifs de l’historienne Claire Nicolas. Vous trouverez aussi dans les liens associés à cette présentation, l’accès à des ressources numériques complémentaires, à des archives photographiques rares et documents visuels pour mieux comprendre les enjeux politiques, sociaux et culturels autour la championne olympique. Comprendre la place des sprinteuses africaines à l’époque de Wilma Rudolph Claire Nicolas est historienne, spécialiste du genre, du sport et des mouvements de jeunesse en Afrique de l’Ouest. Ses travaux portent sur les usages politiques du sport et des loisirs en contexte colonial et postcolonial, notamment au Ghana et en Côte d’Ivoire. Elle a récemment publié Une si longue course (PUR, 2024). Les analyses de Claire Nicolas : Conseils de lecture - Wilma Rudolph : A Biography, Maureen M Smith, Greenwood - Une si longue course : sport, genre et citoyenneté au Ghana et en Côte d’Ivoire (années 1900-1970), Claire Nicolas, Presses Universitaires de Rennes. Programmation musicale Sam Cooke – A Change is Gonna Come
    Voir plus Voir moins
    29 min
  • Pape Diouf, le premier d’entre nous
    Aug 25 2025
    Premier président noir d’un grand club européen, Pape Diouf a incarné l’élégance, la parole libre et l’engagement. Un parcours hors norme, de Marseille à Dakar, pour comprendre l’héritage de ce pionnier du football et de la dignité africaine. Pape Diouf n’aimait pas les chemins balisés. De Dakar à Marseille, de la presse au terrain, il a toujours pris des chemins de traverse. D’abord, journaliste à La Marseillaise, il devient agent de joueurs presque par accident. Mais, en imposant des figures comme Basile Boli ou Didier Drogba, il s’érige rapidement en voix incontournable du football français. Puis, en 2005, il franchit un cap inédit : il devient président de l’Olympique de Marseille. Premier président noir d’un club de première division en Europe. À ce poste, Pape Diouf bouscule les codes. Il refuse les compromis, rejette les jeux d’influence et défend ses joueurs comme ses convictions, avec panache. Il parle juste, et il parle vrai. Sa voix grave et posée devient celle d’un contre-pouvoir dans un monde où les mots comptent autant que les résultats. Mais derrière le costume du dirigeant, c’est surtout un homme libre qui se dessine. Un homme qui n’a jamais oublié d’où il venait. Qui a toujours revendiqué son africanité, sa culture, sa langue, ses valeurs. Dans un univers où l’on exige souvent de taire ses origines pour se fondre dans la norme, Pape Diouf a choisi de les revendiquer. En 2020, le destin frappe de plein fouet. De passage à Dakar, il contracte le Covid-19 et meurt à 68 ans, devenant la première victime officiellement recensée de la pandémie au Sénégal. La nouvelle bouleverse tout un continent. Et bien au-delà. Mais les grandes voix ne s’éteignent pas. L’héritage de Pape Diouf résonne toujours : celui d’un pionnier qui a montré qu’un fils d’immigrés sénégalais pouvait diriger un monument du football européen sans renier ses racines. Celui d’un passeur, d’un repère, d’un modèle pour toute une génération de jeunes Africains en quête de reconnaissance. Dans cet épisode, nous retraçons le parcours d’un homme debout. Une légende discrète, mais immense. Avec des archives rares, des témoignages et des analyses, ce récit plonge au cœur d’un itinéraire hors du commun, qui continue d’inspirer bien au-delà du rectangle vert. Prolongez ci-dessous l’expérience avec des conseils de lecture, ainsi que les analyses et les éclairages exclusifs des historiens Nicolas Bancel et Yvan Gastaut. Vous trouverez aussi dans les liens associés à cette présentation, l’accès à des ressources numériques complémentaires, à des archives photographiques rares et documents visuels pour mieux comprendre le parcours exemplifiant de Pape Diouf. Comprendre le parcours et le destin de Pape Diouf Nicolas Bancel est un historien français, né en 1965, spécialisé dans l'histoire coloniale et postcoloniale, ainsi que dans l'histoire du sport et des mouvements de jeunesse. Il est professeur à l'Université de Lausanne, où il enseigne et dirige des recherches sur ces thématiques. Il est également vice-président du Groupe de recherche Achac, un collectif de chercheurs travaillant sur les représentations coloniales et postcoloniales. Les analyses de Nicolas Bancel : Yvan Gastaut, né en 1965 à Monaco, est un historien français spécialisé en histoire contemporaine. Maître de conférences à l’Université Côte d’Azur à Nice, il est membre du laboratoire URMIS (Unité de recherches Migrations et Société). Les analyses de d’Yvan Gastaut : Pape Diouf, en gravissant tous les échelons d’un monde longtemps fermé, a été l’un des visages les plus emblématiques des liens étroits entre football et immigration en France. L’histoire du football français s’écrit en parallèle de celle de l’immigration. Pape Diouf en est l’un des symboles les plus éloquents et son parcours illustre cette tension, où le football français, miroir des dynamiques migratoires, a toujours été traversé par les enjeux sociaux de son époque. Habib Beye est un ancien défenseur de l’Olympique de Marseille, ex-international sénégalais devenu consultant puis entraîneur. La réaction d’Habib Beye : Conseils de lecture - Atlas des immigrations en France, Pascal Blanchard, Hadrien Dubucs et Yvan Gastaut – Autrement éditions - Marseille, une biographie, François Thomazeau – Stock - C’est bien plus qu’un jeu, Pape Diouf – Grasset Programmation musicale Youssou N’Dour – Ahmadou Bamba
    Voir plus Voir moins
    29 min
  • Hassiba Boulmerka, courir contre la terreur
    Aug 21 2025

    Dans une Algérie déchirée par la guerre civile, elle a choisi de courir plutôt que de fuir. Hassiba Boulmerka, première femme arabe championne olympique, a défié les menaces et fait triompher la liberté sur les pistes du monde entier.

    L’histoire de Hassiba Boulmerka n’est pas une simple épopée sportive. C’est une course de survie, un sprint de dignité, une ligne droite tracée contre la nuit.

    Nous sommes au début des années 1990. L’Algérie s’enfonce dans une décennie noire, marquée par la montée de l’islamisme radical et une guerre civile sanglante. Dans ce climat de peur et de silence imposé, une jeune femme ose faire entendre ses pas. En short et débardeur, le corps libre et la tête haute, Hassiba Boulmerka, spécialiste du 1 500 mètres, devient la cible d’attaques virulentes. Des islamistes du GIA jurent sa perte. On lui reproche de montrer son corps, de voyager, de gagner. Bref, d’exister en dehors du cadre assigné.

    Mais elle ne cède rien. Elle s’exile à Berlin pour continuer de s’entraîner, seule ou presque, coupée des siens, mais portée par une énergie intérieure qui dépasse le sport. Dans chaque foulée, elle emporte avec elle la rage de toutes les femmes réduites au silence, le courage des Algériens pris en otage, la mémoire de celles et ceux que l’obscurantisme veut effacer.

    Et puis vient Barcelone. Jeux olympiques de 1992. Une piste, une finale et, au bout de 3 minutes et 55 secondes, une clameur. Boulmerka est championne olympique. Première femme arabe à décrocher l’or. Un exploit immense. Un message universel : le sport peut être un acte de résistance.

    Ce podcast revient sur un destin hors du commun, avec les témoignages de proches, d’experts, et les échos d’une époque où courir pouvait coûter la vie. Hassiba Boulmerka n’a pas seulement battu des records : elle a défié une idéologie à la force de ses jambes, elle a redonné de la lumière à une génération menacée par les ténèbres.

    « Plus rapide que la vitesse de l’obscurité », disait un poète. Ce pourrait être la définition même de son parcours.

    Prolongez ci-dessous l’expérience avec des conseils de lectures, ainsi que les analyses et les éclairages exclusifs de Meriem Amellal, journaliste France 24, spécialiste des questions internationales.

    Vous trouverez aussi dans les liens associés à cette présentation, l’accès à des ressources numériques complémentaires, à des archives photographiques rares et documents visuels pour mieux comprendre les enjeux politiques, sociaux et culturels autour la championne olympique.

    Comprendre le contexte autour de la performance de d’Hassiba Boulmerka

    Meriem Amellal est une journaliste franco-algérienne, reconnue pour son expertise sur l'Afrique et le Moyen-Orient. Elle est notamment la présentatrice du Journal de l'Afrique sur France 24, où elle travaille depuis le lancement de la chaîne en 2006.

    Les analyses de Meriem Amellal :

    Dans cet épisode de Sport en légende consacré à Hassiba Boulmerka, nous revenons sur les émeutes de Constantine en 1986, annonciatrices des soulèvements d’octobre 1988 à Alger, qui marqueront le début de la décennie noire.

    Conseils de lecture

    - Je me souviens… – Collectif – Seuil

    - La guerre invisible: Algérie, années 90 – Benjamin Stora – Presses de Sciences Po

    Programmation musicale

    Ghir Enta – Souad Massi

    Voir plus Voir moins
    29 min
  • Sindelar, Caszely, Sócrates : trois dribbles pour la liberté et contre la dictature
    Aug 20 2025
    Trois footballeurs face à trois dictatures. Sindelar, Caszely, Sócrates : ils ont osé dire non là où tant d'autres se sont tus. Un Autrichien traqué, un Chilien menacé, un Brésilien en révolution. Trois histoires vraies où le football devient un acte de résistance. Matthias Sindelar, artiste du ballon, danse entre les défenseurs dans toute l’Europe, sous les couleurs de l’Autriche. On le surnomme « le Mozart du football ». À Berlin, on rêvait de le voir porter l’aigle du Reich. Mais Sindelar n’était pas qu’un virtuose. Quand Hitler annexe l’Autriche, il dit non. Non à la propagande. Non à l’uniforme. Et puis, ce match. Celui de l’« unification ». Il marque. Il célèbre. Défiant. Insolent. Devant les dignitaires nazis. Quelques mois plus tard, il est retrouvé mort. Accident ? Suicide ? Assassinat ? Carlos Caszely est rapide, flamboyant, populaire. Mais surtout, il est l’un des seuls footballeurs à dire non au régime de Pinochet. Chaque match devient un acte de défi. Chaque but, une réponse. En 1988, l’histoire lui offre sa revanche. Un référendum national doit décider du maintien de Pinochet au pouvoir. 1988. Le Chili retient son souffle. Un référendum peut faire chuter la dictature. Et Caszely revient… pas seul. Cette fois, sa mère prend la parole. Son visage, ses mots, ses blessures… bouleversent un pays. Que s’est-il vraiment passé dans ces jours décisifs ? Comment un footballeur et sa mère ont changé l’histoire d’un peuple ? Il est capitaine de la Seleção et médecin diplômé. Sócrates ne joue pas seulement pour gagner : il veut penser, débattre, changer les choses. Il lance avec ses coéquipiers un mouvement unique au monde : la Démocratie Corinthienne. Dans un pays bâillonné par la junte militaire, il transforme son club en laboratoire d’autogestion, où chaque décision est votée. Il ira jusqu’à menacer de quitter le pays si les urnes ne reviennent pas. Et quand il parle, le Brésil entier l’écoute. Un brassard de capitaine, un diplôme de médecine, une conscience en éveil Sócrates n’était pas un joueur comme les autres. Il pensait. Il lisait. Il rêvait d’un football libre dans un pays sous dictature. Alors, il ose l’impensable. Le vestiaire devient agora. Le ballon devient tribune. Dans le Brésil des années noires, chaque match devient un acte de résistance. Et si, au fond, Sócrates avait été le véritable inspirateur de son époque ? Trois hommes, trois pays, un même courage. Ils auraient pu choisir le silence, la sécurité, la gloire facile. Ils ont préféré le risque, la parole, l’engagement. Par le geste, par la voix, par le jeu. Leurs dribbles ont défié les plus grandes puissances de leur temps. Sport en légende, ce sont ces histoires-là. Quand le sport entre en résistance. Quand les héros sortent du vestiaire pour affronter l’Histoire. Prolongez ci-dessous l’expérience avec des conseils de lectures, ainsi que les analyses et les éclairages exclusifs de l’écrivain, journaliste et éditeur François Thomazeau. Vous trouverez aussi dans les liens associés à cette présentation, l’accès à des ressources numériques complémentaires, à des archives photographiques rares et documents visuels pour mieux comprendre les enjeux politiques, sociaux et culturels autour de nos trois footballeurs. Comprendre les combats de Sindelar, Caszely, Sócrates François Thomazeau est un journaliste, écrivain et scénariste français. Ancien grand reporter à l’AFP, il s’est illustré dans la couverture du sport, notamment le cyclisme et le football. Auteur prolifique, il a publié de nombreux romans noirs et historiques, souvent ancrés à Marseille, ainsi que plusieurs essais sur le sport. Il est également cofondateur de la maison d’édition L’Écailler. Passionné par l’histoire sociale du sport, il collabore régulièrement à des projets mêlant enquête journalistique, littérature et mémoire populaire, dont Histoire secrète du sport et 1936, La France à l’épreuve des Jeux olympiques de Berlin. Les analyses de François Thomazeau : Conseils de lecture - L’éloge de l’esquive, Olivier Guez – Grasset - Libre arbitre, Dominique Paganelli – Actes Sud - Coups de sifflet, Fabien Archambault – Flammarion Programmation musicale Mario Lucio – Independance
    Voir plus Voir moins
    29 min
  • Sport, scandale et liberté au féminin : Annette Kellermann, la pionnière à contre-courant
    Aug 19 2025
    Nageuse d’exception et icône de liberté, Annette Kellermann a bouleversé les codes du sport et de la féminité. Une plongée dans l’histoire d’un corps en mouvement, entre exploits aquatiques et combats pour l’émancipation. Au début du XXè siècle, la natation féminine n’est qu’une anomalie tolérée. Le sport, c’est pour les hommes. Le mouvement est encadré, le corps féminin, corseté. Et pourtant, une Australienne audacieuse va surgir des eaux pour tout bousculer : Annette Kellermann. Championne de natation, elle est l’une des premières femmes à rivaliser avec les hommes dans des compétitions d’endurance, bravant les éléments, mais surtout les préjugés. Son style est fluide, puissant, spectaculaire. Elle devient vite une icône populaire dans le monde anglophone. Mais, Kellermann ne s’arrête pas à la performance : elle incarne une rupture. Sa révolte s’exprime aussi par le vêtement. En 1907, sur une plage de Boston, elle est arrêtée pour avoir porté un maillot de bain moulant, pratique, taillé pour nager – et non pour cacher. Ce geste, perçu comme indécent, est en réalité une déclaration de liberté. Annette Kellermann veut qu’on laisse le corps respirer, bouger, exister autrement que comme objet de regard. Elle veut que les femmes nagent, vivent, s’émancipent. Première femme à jouer un rôle principal dans un film hollywoodien aquatique (A Daughter of the Gods, 1916), elle mêle grâce, force et modernité. Elle invente un art du corps en mouvement qui inspirera plus tard Esther Williams et toutes les nageuses synchronisées. Quelle est l’héritière directe de cette sirène rebelle ? Comment son geste a-t-il marqué durablement le sport féminin et la culture populaire ? Et pourquoi son nom est-il si peu connu aujourd’hui, alors qu’elle fut une star de son époque ? Dans cet épisode de Sport en légende, nous remontons le fil de cette vie hors norme, et un plongeon dans l’histoire d’une femme qui a fait des vagues pour libérer toutes les autres. Nous vous proposons de prolonger ci-dessous l’expérience avec des conseils de lectures, ainsi que les analyses et les éclairages exclusifs de Stéphane Lecat, directeur technique national du triathlon français et ancien nageur de haut niveau, et les éclairages précieux de l’historienne Anne Velez, auteure d’une thèse consacrée à Annette Kellermann. Vous trouverez aussi dans les liens associés à cette présentation, l’accès à des ressources numériques complémentaires, à des archives photographiques rares et documents visuels pour mieux comprendre les enjeux politiques, sociaux et culturels pour les femmes au début du siècle dernier. Comprendre le combat d'Annette Kellermann Avec Anne Velez, historienne du sport, spécialiste des femmes et du genre. Docteure en histoire, Anne Velez a consacré ses travaux aux résistances que rencontrent les femmes dans leur conquête des espaces sportifs et à la manière dont le genre façonne les représentations du corps et de la performance. Chercheuse associée à plusieurs laboratoires et membre active du réseau « Genre & Sport », elle est l’autrice d’une thèse sur l’histoire des femmes et de la natation en France (1905–1939), et publie régulièrement sur les liens entre sport, émancipation et stéréotypes sexués. Anne Velez est également engagée dans la vulgarisation scientifique, à travers des conférences, des expositions et des interventions dans les médias. Elle s’attache à rendre visibles celles qui, dans l’ombre ou la lumière, ont transformé le sport en terrain d’émancipation. Avec l’historienne Anne Velez, on plonge dans l’histoire des femmes en lutte pour leur place dans le sport : Avec Stéphane Lecat, ancien nageur de l’extrême, ex-directeur des équipes de France d’eau libre et DTN du Triathlon Français. Stéphane Lecat est l’un des pionniers français de la nage en eau libre. Ancien champion d’Europe sur 25 kilomètres, il a marqué les années 1990 et 2000 par ses exploits hors normes, franchissant à la nage le lac Saint-Jean au Québec, en remportant 4 fois le marathon Santa-Fe-Coronda en Argentine sur 62 km et en traversant la Manche depuis l'Angleterre vers la France. Après une carrière de nageur international, il devient entraîneur et manage les équipes de France d’eau libre. Sous sa direction, les nageurs français remportent plusieurs titres mondiaux et olympiques. Il est aussi le directeur technique national du Triathlon français. Stéphane Lecat nous parle du dépassement de soi… et des obstacles qu’Annette Kellermann a dû affronter bien avant lui : Stéphane Lecat revient sur le courage fou d’Annette Kellermann, pionnière dans un monde taillé pour les hommes : Conseils de lecture - Annette Kellermann : Australian Mermaid – Grantlee Kieza - Biographie en anglais (ABC Books) - How to Swim – Annette Kellermann ...
    Voir plus Voir moins
    29 min
  • Jack Johnson : le combat du siècle qui a bouleversé l’Amérique raciste
    Aug 18 2025
    Décembre 1908. Jack Johnson devient le premier champion du monde noir de boxe. Mais, un autre combat se joue hors du ring, face à l’Amérique raciste. Une légende entre triomphe et scandale, à redécouvrir avec Sport en légende et les analyses de l’historien François Doppler-Speranza. C’est une date qui fait vaciller les certitudes d’une Amérique blanche encore pétrie de ségrégation : le 26 décembre 1908, à Sydney, un boxeur noir, Jack Johnson met K.O. le Canadien Tommy Burns et devient champion du monde poids lourds. Pour la première fois, l’homme le plus puissant du monde sur un ring n’est pas blanc. La nouvelle fait l’effet d’un séisme, bien au-delà du sport. Car à l’époque, la boxe n’est pas un simple spectacle : c’est un rituel social, une scène de pouvoir, un reflet brut des hiérarchies raciales. Et Jack Johnson n’incarne rien de ce que la société dominante attend d’un homme noir. Il parle fort, s’habille avec ostentation, conduit de luxueuses voitures. Il ne cherche pas à rassurer, encore moins à s’excuser. Il incarne une liberté insolente et assumée. Le champion noir scandalise l’Amérique raciste en affichant, sans retenue, des compagnes blanches, tantôt bourgeoises, tantôt prostituées, défiant ainsi tous les tabous. Très vite, les États-Unis cherchent leur revanche. Le « combat du siècle » est organisé en 1910 contre Jim Jeffries, l’ancien champion blanc surnommé « l’espoir de la race blanche ». Mais le mythe s’effondre : Johnson le domine, le ridiculise, le bat. L’Amérique tremble. Dans plus de 25 villes, des émeutes éclatent. Il ne s’agissait pas que d’un combat. C’était un affront, une prise de pouvoir symbolique. Cette victoire est pourtant à double tranchant. Le pouvoir blanc ne pardonne pas l’humiliation. Johnson est bientôt traqué par la justice. Officiellement, on l’accuse d’avoir enfreint la loi Mann, interdisant le transport de femmes « immorales » à travers les États. Officieusement, on cherche à l’abattre, à faire taire un homme qui refuse la soumission. Il sera réhabilité en 2018 par Donald Trump. Ce podcast retrace le destin hors norme de Jack Johnson : son ascension, ses provocations, ses exils, et surtout ce qu’il incarne. Bien avant les icônes du XXè siècle, Johnson fut un pionnier, un éclaireur, un défi vivant aux règles d’un monde injuste. Son corps sur le ring devient vite un symbole politique. Sa manière d’exister, un manifeste. Il fut haï, persécuté, parfois incompris, mais jamais soumis. Jack Johnson n’a pas seulement remporté des titres. Il a combattu pour une autre place dans le monde, et pour cela, il est devenu bien plus qu’un champion : une légende, une fracture dans l’histoire de l’Amérique. Nous vous proposons de prolonger l’expérience, avec ci-dessous les analyses et les éclairages exclusifs de François Doppler-Speranza, maître de conférences à l’Université de Lorraine à Nancy et enseignant à Syracuse University. Vous trouverez aussi dans les liens associés à cette présentation, l’accès à des ressources numériques complémentaires, à des archives photographiques rares : images des combats, portraits de Jack Johnson, des photos de ses compagnes et documents visuels pour mieux comprendre les enjeux politiques, sociaux et culturels du « premier combat du siècle ». Comprendre l’Amérique de Jack Johnson François Doppler-Speranza, historien des États-Unis, explore les dessous politiques, sociaux et culturels d’un pays marqué par la ségrégation et les lois raciales. François Doppler-Speranza est l’auteur de : - Une armée de diplomates. Les militaires américains et la France, 1944–1967 (Presses universitaires de Strasbourg, 2021) - Atlanta 1996 : vers un monde unipolaire ? ; Olympisme, une histoire du monde (La Martinière, 2024) - Défendre les lauriers, vaincre dans l’ombre. Les États-Unis et les Jeux olympiques (1972-1984) ; Une histoire mondiale de l’olympisme (Atlande, 2023) - William DeHart Hubbard, premier champion olympique noir aux Jeux de Paris en 1924 ; Les champions dits « de couleur »... (Presses universitaires de Rennes, 2024) Les ​​​​​​​analyses de François Doppler-Speranza Conseils de lecture - Battant - Jack Johnson (Éditions L’écailler du Sud). Autobiographie du premier champion du monde de boxe noir, parue en 1927 - Les champions dits « de couleur entre mythes et réalités » sous la direction d’Yvan Gastaut, Didier Rey et Philippe Tétart (Presses Universitaires de Rennes) Programmation musicale Fats Waller – Ain’t Missbehavin (1943)
    Voir plus Voir moins
    29 min